par Alain Franchi

Ce vieux fou de dessin.
Lorsque l’on veut écrire sur l’art de l’Ukiyo-e (les images du monde flottant), courant pictural apparu au Japon dès le 17ème siècle, Hokusai (L’atelier du nord) est un peintre qui fait figure de proue dans ce domaine.

Certains critiques d’art contemporain affirment même qu’il est à l’initiative du dessin appelé Manga, illustrations qui représentent au départ uniquement des paysages, même si aujourd’hui le terme de Manga est associé directement à celui de la bande-dessinée.

Le livre de Bruno Smolarz évoque le parcours de Katsushika Hokusai, celui qui vers la fin de sa vie signait ses œuvres (dans la tradition des peintres japonais il était courant de posséder plusieurs noms d’artistes) du nom de Gakyojin (Le vieux fou de dessin). Avec son Hokusai aux doigts d’encre, Bruno Smolarz, géographe de formation et non critique d’art, comme on pourrait s’y attendre, nous invite à suivre l’artiste des 36 vues du Mont Fuji, pour ne citer que cette œuvre, dans son quotidien.
L’ouvrage de Smolarz écrit à la première personne, dans un style qui va
à l’essentiel , séduit le lecteur car il raconte la vie de ce peintre hors-norme, en la teintant de détails anecdotiques et non moins indispensables à la construction du récit. Dans son roman, tout en ne mettant pas de côté les indices biographiques, l’auteur laisse libre cours à son imaginaire et c’est grâce à cette alchimie, ce balancement, entre éléments biographiques et romanesques que son récit fonctionne et que la magie opère.

Un ouvrage haut en couleurs qui donne une image assez fidèle de ce peintre, dont une des originalités est, de « voyager dans l’indépendance des écoles », comme le souligne l’auteur lui-même, lorsqu’il fait dire à son personnage : « Je renonçai à fonder, à diriger une école, comme les autres. Je voulais être indépendant, être mon propre atelier ».

Le livre de Bruno Smolarz nous parle de l’itinéraire, poursuivi pendant quatre-vingt deux ans, (Hokusai a commencé à peindre dès l’âge de six ans), par le vieux fou de dessin et entraîne le lecteur dans le sillage de ce peintre pour lequel : « Le dessin, la peinture, ce n’est pas la représentation des
montagnes, des rochers, des arbres, des fleurs tels qu’ils sont en
réalité, mais tels qu’on les perçoit dans l’atmosphère et l’état
d’esprit du moment 
».

Ce roman réussi (il s’agit du premier roman de
l’auteur) nous permet d’évoluer au fil du récit dans ce « monde
flottant 
» en même temps qu’il nous invite, dès les premières pages, à
découvrir dans un texte court et en guise d’introduction, la
profession d’artiste, signé de la main même du maître. Ce texte (qu’il
faut lire absolument) puisqu’il est la clé qui permet de comprendre la
portée universelle de l’art d’Hokusai, nous donne l’opportunité, de
lier connaissance avec ce peintre, dont le caractère modeste et humble
s’accorde avant tout avec la vision d’un univers sans cesse en
mouvement et dont chacune des estampes restitue un peu des vibrations,
tout en se situant dans un universel polyphonique qui se joue des
frontières.

Article réédité, première publication Musanostra novembre 2011

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