par Marianne Laliman

     Original. Mais qu’a-t-il bien pu faire de ça? C’est ce qui vient à l’esprit quand on découvre que Caiorni, le roman signé Dantea (Editions Albiana) mêle le thème du surf et celui de la Corse. Le livre compte plus de 300 pages et, dans certains cas, ça peut paraître beaucoup. Alors quand on ignore tout du surf et que l’on n’a pas d’attirance particulière pour ce type d’univers, la perspective d’une telle lecture a de quoi engendrer une légère perplexité… Mais la curiosité l’emporte parfois et peut se révéler une heureuse tendance, ce qui fut confirmé avec ce roman.

        Les Caiorni sont trois, et le terme “surtout employé dans la région d’Ajaccio”, comme nous le précise la quatrième de couverture, fait référence à “des jeunes hommes qui savent à la fois glander et jouir de la vie”. 

D’abord, le premier (et dernier) surfeur du Niolu. Goran Krasic-Albertini, alias Tito, une sorte de marginal, idéaliste, peut-être bien révolutionnaire ou philosophe. Ce “croato-niulincu”, vivant de récup’ et d’une succession de petits boulots aussi divers que ses talents, semble jouer le rôle du sage de la bande.

Et puis Tsé-Tsé, officiellement Paul Canon. Un enfant des Salines, qui s’est élevé à peu près seul et pour lequel seul compte le surf. Sorti de l’eau, sa personnalité oscille entre le vide absolu et la démence.

Enfin, Titus Rocca, personnage central. Il est le “mec normal” du trio, un trentenaire avec un métier classique. En fait, celui qui n’est pas totalement hors-norme, mais pas tout à fait conforme non plus. Le seul qui devra peut-être choisir.

Autour d’eux, divers personnages dont certains sont de véritables types : le Corse du continent tiraillé entre son rêve de Corse et la réalité, le montasega (version mythomanie du champion de surf) ou encore le saisonnier sédentarisé. Mais aussi la présence forte des éléments naturels, les subtilités des rapports familiaux, les constantes et les rituels de la vie au village ou en ville. Autant de dimensions que l’auteur articule pour reconstituer l’unité d’un univers. L’écriture joue son rôle dans cette articulation, travaillant le naturel et l’expression spontanée mais l’accordant à l’expressivité du lexique qui décrit, qualifie, explique parfois. Elle restitue le mélange des langues, Français et Corse agrémentés de quelques notes d’Anglais, mélange qui lui-même traduit la superposition des références.

Le roman alterne les voix, les regards sur les choses et les faits, dans une étrange polyphonie où chaque personnage illustre une manière de vivre dans ce monde, ou une des difficultés à y trouver sa place.

        À travers le surf et au-delà de lui, Caiorni évoque les doutes sur ce qui nous entoure et la prise que nous pouvons avoir – ou pas – sur le cours des choses, le fonctionnement d’une société particulière à un moment particulier de son histoire, le rapport au territoire, la place des sentiments, les rapports humains, le tout sans se priver d’une forme d’autodérision et d’une certaine tendresse qui en rendent la lecture légère.

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