Voici le compte-rendu du café littéraire “Littérature et psychanalyse” qui s’est déroulé le mercredi 15 février, à 20h30, au Régent kids.
L’éditorial de Jean-Pierre Denis, psychanalyste
P1170888
 

Littérature et Psychanalyse, quelles affinités ?

Tout commence avec le nourrisson, en état de détresse, aux prises avec des besoins corporels qu’il tente d’apaiser en criant ou en gigotant. À cette étape de la vie, le nourrisson n’a ni conscience de son Moi ni la maitrise de son corps, et les excitations désagréables qui l’affectent doivent être traitées par la mère. Ici, Freud met en valeur que l’enfant peut à sa façon apaiser son malaise, en réactivant les affects de plaisir des expériences de satisfaction précédentes. Autrement dit, le nourrisson peut leurrer sa souffrance et son manque en se repliant sur ses souvenirs de plaisir éprouvé, et en les rêvant. Freud dit que « le fait de désirer débouche sur une hallucination. » !

Il va donc falloir que le petit d’homme apprenne à  différencier ce qui est réel de ce qui ne l’est pas, différencier ce qui relève du principe de plaisir (l’hallucination du désir), de  ce qui relève du principe de réalité (le manque).

Grandir c’est en quelque sorte substituer le principe de réalité au principe de plaisir, c’est opposer au leurre de la satisfaction hallucinée, un Moi cartésien, capable d’actes de conscience, d’attention, et de ce que Freud appelle « l’acte de jugement » qui doit décider si une représentation est vraie ou fausse, c’est-à-dire si elle est ou non en accord avec la réalité.

Dans ce passage obligé qui va du principe de plaisir au principe de réalité, Freud se demande si le petit d’homme abandonne complètement le recours hallucinatoire ?

L’expérience démontre que cela ne va pas de soi, et qu’il en reste toujours quelque chose d’ineffable mais entêtant, un reste qui confirme qu’une partie de la pensée échappe, quoi qu’on en veuille, à l’épreuve de la réalité. Cette  partie, on la retrouve bien entendu dans le jeu de l’enfant, mais aussi dans le fantasme de l’adulte, et enfin dans l’art. On voit ainsi la place que cela tient dans notre vie !

L’art est en effet une activité humaine qui parvient à lier les deux principes, principe du plaisir et principe de réalité : à l’origine l’artiste est quelqu’un qui ne peut renoncer aux satisfactions pulsionnelles et qui peut se détourner de la réalité pour laisser libre cours à ses fantaisies érotiques et à ses souhaits ambitieux. Mais grâce à ses dons il va pouvoir donner forme à ses fantasmes pour en faire des objets artistiques, qui dès lors auront cours auprès des hommes, et qui vont prendre place dans la culture. C’est en cela qu’on peut dire que l’art est une réconciliation des deux principes, principe de plaisir et principe de réalité.

Et bien je dirais que  la littérature témoigne au plus près de cette réserve où ces deux principes trouvent à se lier et à s’enrichir mutuellement. Ici l’être peut poser ses valises et se laisser être. En faisant jouer les pouvoirs de la langue à tout va, la littérature nous console des rigueurs de notre condition humaine, et reste un de nos plus fidèles partenaires.

C’est sans doute en partie pour ça que cette soirée est restée à la fois sérieuse et légère, je dis, en partie, parce que pour le reste, ça tient beaucoup à vous.

Le Divan de Staline, une critique de Nathalie Malpelli

111670_couverture_Hres_0.jpg

On est à l’automne 1950. Il reste peu de temps au tyran Staline. Le voilà dans sa datcha en Géorgie dans un palais où le temps semble s’arrêter. C’est presque un rêve. Un moment. À quoi pense-t-il cet homme si terrible ? Il est de plus en plus solitaire. Que lui reste-t-il ?  Verdi ? Ses souvenirs ? Ses obsessions ? Alors il va se prêter à un étrange jeu avec sa maîtresse Lidia Semionova. Il installe un divan jaune et la jeune femme jouera la psychanalyste car Sigmund Freud ce « charlatan » l’obsède. Il lui voue une haine qui confine sans doute à la fascination. Il racontera chaque soir ses rêves. Il fait sa cure analytique. Curieux…Il joue avec ses rêves comme il joue avec les hommes. Mais les mots sont là et ils révèlent bien des choses. Que fera-t-il aussi du jeune artiste Danilov qui doit ériger en son honneur une œuvre proportionnelle à sa grandeur (ou sa monstruosité qui sait…) Là encore, il va jouer comme un prédateur se jouant  de sa proie…Terrible instant.

Informations utiles : Jean-Daniel Baltassat, Le Divan de Staline, Paris, Seuil, 2013, 312 pages, 20 euros.

L’album