par Emmanuelle Mariini

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L’actuel théâtre de Bastia est un opéra à l’italienne construit à la fin du XIXe siècle. A cette époque, dans la mouvance du Risorgimento italien, la ville de Bastia décide de construire un nouveau théâtre. On fait alors appel à Andrea Scala, un architecte italien réputé car il a construit plusieurs dizaines d’opéras en Toscane, notamment le célèbre théâtre de Pise.
Le bâtiment sera construit en pierre du pays. Les corniches seront taillées dans du calcaire de Saint-Florent et les marches d’escaliers dans du marbre de Brando. Les travaux commencent en 1874 et en 1875 débute la construction des arcades en contrebas destinées à accueillir des commerces, dans ce que l’on appelle alors la « Rue de l’Opéra » (l’actuelle « Rue César Campinchi »). Au milieu de ce bâtiment, un grand escalier central permet au public d’accéder directement à l’intérieur du théâtre (ces escaliers existent toujours et on y trouve désormais le buste de César Vezzani). L’édifice est construit suivant un plan rectangulaire. Il est composé de 3 corps de bâtiments :
Le premier donne sur la place Favalelli et abrite un vestibule à 8 colonnes, un grand escalier, un foyer (l’actuelle « salle des congrès » autrefois entièrement peinte où l’on donnait des bals), complétés par des annexes le tout sur 4 étages. On entrait alors en calèche dans l’actuel péristyle.
Le second est la salle d’opéra. Elle est conçue selon un type classique dérivé de la Scala de Milan : elle se compose d’un parterre, de 3 rangs de loges et d’un poulailler ornés de peintures plafonnantes. Des loges d’avant-scène sont réservées aux personnes en deuil.
Le troisième corps du bâtiment est la scène. Elle abrite des loges, des entrepôts et des locaux divers. Les installations scéniques étaient importantes, avec un large éventail de toiles peintes et de décors en trompe l’œil permettant de pouvoir donner tous les types d’opéras.
Avec une capacité d’accueil de 1200 places et une acoustique exceptionnelle, l’opéra de Bastia -inauguré en 1879 – suscite un véritable engouement qui favorise le genre italien pour le lyrique et le genre français pour la comédie. On y joue « La Traviata », « Rigoletto », « Il Trovatore », « Faust », « La Bohème » …
En 1900, le théâtre est éclairé au gaz. Les corridors et les dégagements sont dotés de lampes à huile. Comme dans tous les théâtres, on redoute l’incendie. La durée moyenne de vie d’un opéra à cette époque est de 13 ans. Charles Garnier, l’architecte du « Palais Garnier » à Paris, a d’ailleurs dissimulé dans son architecture des tarentes pour porter bonheur et éloigner le risque d’incendie. Amusez-vous à essayer de les retrouver lors de votre prochaine visite de ce lieu mythique ! Au théâtre de Bastia, 6 pompiers sont constamment de service. En 1905, la bibliothèque municipale est installée dans l’aile sud du théâtre dans une salle annexe (l’actuelle « salle Préla »). Ce n’est qu’en 1971 qu’elle quittera ses lieux pour occuper son siège actuel.
Au début du XXe siècle, le théâtre de Bastia est un lieu d’intense activité. Les citadins continuent de se passionner pour le chant lyrique italien. Exigeant et connaisseur, le public bastiais n’hésite pas à huer les artistes qu’ils jugent ne pas être à la hauteur. A cette époque, se produire sur la scène de Bastia était une délicate épreuve au point d’affirmer que si l’on résistait à ce public, on pouvait se présenter, sans crainte, sur n’importe quelle scène d’Italie.
A la Belle Epoque, le rayonnement du théâtre est à son apogée. De 1906 à 1914, on compte près de 280 représentations d’opéras, soit une moyenne de 35 par an. Une représentation est donnée en moyenne tous les deux jours avec une salle généralement comble. Le répertoire se compose principalement d’œuvres véristes de compositeurs italiens de la fin du XIXe siècle. Ces opéras abordent des sujets de la vie quotidienne, avec un attachement aux valeurs morales traditionnelles. Les Corses, confrontés aux difficultés que génère un monde en pleine mutation, peuvent partager les sentiments des personnages mis en scène. « Cavalleria Rusticana » fait partie des opéras favoris des bastiais. « Tosca » et « Madame Butterfly » se placent en tête des recettes dans les années 1910.
Au début de la première guerre, on installe l’électricité et le chauffage. A l’issue de la guerre, des artistes lyriques corses triomphent à Bastia : Gaston Micheletti, Martha Angelici, José Luccioni, Agnès Borgo, … et bien sûr César Vezzani. Ce dernier, bastiais de naissance, surnommé le « merle blanc » est unanimement reconnu comme l’un des plus grands ténors français de tous les temps. Les représentations d’opéras en langue française se multiplient (Bizet, Gounod, Massenet …).
Dans le courant des années 30, le marasme économique et le mauvais état du bâtiment font décliner l’activité du théâtre. Des travaux sont alors prévus mais la seconde guerre mondiale éclate … Et en 1943, le bâtiment est touché par deux fois par les bombardements : le toit et le plafond peint sont pulvérisés, le décor mural et les balcons sont en grande partie détruits. L’après-guerre est une période économique difficile et le théâtre restera longtemps une plaie béante.
Ce n’est qu’un 1981 que le théâtre rouvre ses portes avec de grands changements : la grande salle est reconstruite dans des dimensions plus restreintes avec une surélévation en pente du parterre ; l’entrée de la salle est repensée, on aménage des accès par les premiers balcons ; les loges sont abandonnées. Le béton fait son apparition et recouvre les parties de l’ancienne construction. La nouvelle scène est spécialement étudiée pour le ballet.
En 2011, la salle du théâtre fait l’objet d’un premier programme de rénovation avec le changement des 830 sièges et la peinture des murs en rouge, couleur caractéristique des opéras.

Le public bastiais est toujours aussi féru de chant lyrique, de récital et d’opéra.

 

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