par Pierre Lieutaud

 

Un chant funèbre du fond des temps. D’amour, de haine et de vengeance. Des personnages éblouissants de lumière, un monde archaïque au grand soleil dans les éboulis de pierres brûlantes, les monts et les plaines, entouré d’un infini de dunes qui font comme un océan où tout se perd, se dissout, où disparaissent à jamais les destins incontournables des hommes. Où tout est écrit et absolu.

Le récit par Malaka, le fils de deux mères, de la  vie de Salina, l’enfant aux larmes de sel, l’enfant malheur du royaume des lacs abandonnée par les siens pour calmer la malédiction des dieux, déposée un matin à l’orée d’un village Djimba, perdu au milieu du désert…Recueillie par Mamanbala qui l’élève comme son enfant, mariée de force à Saro, l’époux sauvage, l’un des fils du chef du village, alors qu’elle aime son frère Kano, brutalisée,violée, mère d’un fils, Mumuyé, étrangère au clan haïe par Khaya, sa belle mère, Salina assiste, impassible, à la mort de son époux sur un champ de bataille.

Refusant de lui donner son frère Kano pour époux,comme le voudrait la tradition, Khaya la sépare de son enfant et la bannit. Exilée au-delà des terres, elle enfante Koura kumba, un enfant homme, l’enfant colère qui sera le bras armé de sa vengeance, tuera son frère Mumuyé et Sissoko, le chef du village. Sa marche solitaire dans le désert reprend jusqu’au jour où méconnaissable, vieille, sèche, noire comme un animal épuisé, elle retrouve le chemin du village. Reconnue, attachée à un pieu, livrée aux hyènes qui l’épargnent,rejetée par Kano, marié et père d’un enfant, Salina, une fois encore, retourne seule dans le désert.

A la limite du monde, un cavalier s’approche, c’est Alika, la femme de Kano qui lui fait don de son enfant… « C’est mon dernier né, Salina, le fils d’une mère aimante, je te l’ai apporté parce qu’il doit y avoir un don entre Salina et les Djimba. Il n’y a qu’ainsi que tout pourra cesser ».

Malaka, l’enfant de deux mères et d’une paix scellée grandira auprès d’elle et l’accompagnera dans son exil jusqu’à sa mort. Il portera son corps au delà des montagnes et atteindra un rivage ou l’attendent une barque et un vieil homme, Darzagar le passeur, qui les conduira jusqu’à l’ile cimetière où s’ouvriront les portes de l’au-delà.

Un récit vertigineux, tragique et profondément original, une polychromie barbare qui parle d’amour éternel, de fureur, de châtiments, de destins immuables, de vies  brulées pour accomplir un devoir d’existence.Où la mort semble attendre son heure avec patience pour laisser aux personnages, demi dieux plus qu’humains, le temps d’accomplir leur tâche avant de sombrer dans le néant.

Dans une succession de  tableaux au relief lumineux, où la réalité semêle au fantastique, au rêve, aux légendes, l’auteur revisite avec virtuosité les mythes et les traditions anciennes qui ont peuplé notre imaginaire …Le champ de bataille où la mort descend sur l’époux sauvage sous le regard indifférent de celle qu’il a maltraitée, le combat mortel des frères, la toilette mortuaire de Salina par son fils, la barque des morts qui va vers l’ile cimetière…L’île cimetière où s’ouvrent les portes l’au-delà où Salina, la mère aux trois fils,la femme aux trois exils, entrera dans l’éternité et dans la  légende.

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