par Jacques Fusina

Le jury du Prix du Mémorial a distingué en 2010 Jean-Pierre Azema, professeur émérite des universités et historien spécialiste de la Seconde Guerre, de la Résistance, de Jean Moulin, de Vichy, questions qu’il enseignait à Paris à l’Ecole des Sciences politiques.

Le prix vaut pour l’ensemble d’une œuvre riche et très estimée aujourd’hui dans son domaine, mais pour ne parler que d’un seul de ses livres, paru récemment et intitulé 1940, L’Année Noire, lu avec plaisir, je considère en effet que les jurés ajacciens ont effectué un excellent choix. Cet ouvrage se lit d’un trait comme un roman tant la langue en est claire et précise, mais il ne s’agit pas du tout d’histoire romancée comme en écrivent aisément quelques auteurs, même fort connus.
C’est ici à une véritable leçon d’histoire, juste, impartiale, pédagogique que nous invite l’auteur. Les mois de ce temps de guerre nous sont comme égrenés devant les yeux, du 14 juillet 39 à la fin décembre 40 avec chaque fois le portrait clair dénué de cette manière chauvine qu’ont certains de présenter les faits après coup et connaissant bien entendu par avance le résultat. Chacun connaît l’histoire de la Seconde Guerre dans ses grandes lignes mais Azema nous met face à la situation de l’époque, en donnant les éléments disponibles à ce moment là et les stratégies qu’il a pu mettre en évidence par ses recherches, citant avec précision les déclarations, les actes, les caractères des protagonistes, et nous permettant ainsi de réfléchir en situation et de comprendre bien mieux comment se déroulèrent ces terribles journées.

Il est vrai que ce que rappellent habituellement les Histoires nationales ne se dégage pas toujours d’une représentation patriotique qui s’éloigne souvent de la réalité vécue. Alors que Azema nous enseigne et nous informe petit à petit sans jamais nous lasser, avec une sérénité, une objectivité et
même une façon parfois spirituelle, sachant qu’un sourire peut mettre
les idées au net.

Du coup chaque lecteur fait sa propre lecture, convenablement informée, sans excès ni vivats hors de propos, et lui permet de considérer d’autre manière non seulement, dirais-je, les événements fameux de l’armistice, de l’occupation, de la collaboration, de la résistance dans les années quarante, mais aussi ce que peuvent apporter de sens et de valeur jusqu’aux temps présents, les décisions politiques et la qualité des hommes d’Etat responsables.

Lorsqu’il referme le livre, en décembre 40, sur le titre « Pour prendre congé », comment ne serait-il pas ému, un lecteur tel que moi, né non pas en Angleterre mais cependant dans une île, à cette époque d’angoisse et de tourments ? Et comment ensuite se soucier si peu de l’an quarante, comme dit le proverbe ?


Réédition, première publication Musanostra -août 2010

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