Musanostra Edizione a réuni dans un ouvrage une cinquantaine de chroniques du journaliste Jean-Baptiste Croce. Autant de textes dans lesquels il capture l’esprit du temps avec curiosité, acuité et un intérêt jamais démenti pour la culture, la littérature et le cinéma.

Par : Francis Beretti

Jean-Baptiste Croce, journaliste chevronné, a décidé, suivant la suggestion de la responsable de la maison d’édition Musanostra, et encouragé aussi par le résultat de sondages d’opinions qui constate que la grande majorité de lecteurs « apprécient les textes courts, informatifs, incisifs », de publier un recueil de ses billets récents : cinquante-trois chroniques, couvrant les années 2021 et 2022.

Les sujets abordés par l’auteur sont vraiment variés. Ils touchent à l’art, à l’histoire, à la littérature, aux faits divers, ou à l’actualité. Et donnent même lieu à  des anecdotes piquantes, surprenantes ou touchantes.

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Par l’intermédiaire de Philippe Costamagna, Croce nous apprend que Napoléon aimait les œuvres de Corneille, dont il se faisait lire des extraits par des acteurs triés sur le volet. 

Il répercute le cri de colère des Muvrini, indignés du sort que l’on a réservé à Vighjaneddu. Il a retenu, dans les souvenirs d’enfance de Julien Clerc la prise de position de deux de ses anciens professeurs. L’un, pourtant originaire d’Ajaccio, détestait Napoléon, et il était antimilitariste. L’autre, dans la filiation linguistique mettait l’italien au-dessus du français !

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Qui savait, avant Croce, qu’il y avait en Corse deux exorcistes, nommés par l’évêque de l’Église de Corse ? Que Brassens avait dédié sa chanson Pénélope à Noëlle Vincensini ? Savait-on que le plus important collectionneur au monde de Boris Vian est un bastiais, Jean-Jacques Marzocchi ? Savait-on qu’à Bastia, Agatha Christie avait fait des émules ? En effet, deux retraitées de l’Éducation nationale, Martine Cometto et Anne-Marie Venturi au cours de séances de travail au bar « L’idéal », place du marché, ont inventé un personnage policier, le commissaire Venturi, dont les enquêtes nous font voyager dans les grandes villes de la péninsule voisine. 

Un touche-à tout

Croce s’intéresse aussi, en passant, à des anecdotes touchant à une littérature de plus ample portée. L’étonnante découverte de manuscrits inédits et d’une valeur inestimable de Céline au Pughjolu, dans les Deux Sevi. La romancière sarde Milena Agus qui a obtenu le succès grâce à son Mal de pierres, et  qui vint à Bastia en 2020. L’académicien Rouart, qui trouve son inspiration à Santa Maria di Lota. Milan Kundera  qui l’a trouvée à Porticcio où « l’hôtel du Maquis » lui donnait  un accès direct à la mer.

Croce souligne aussi les excès absurdes du « wokisme », en prenant l’exemple de l’épisode fondateur de La Belle au bois dormant. Selon les fanatiques de ce mouvement à la mode, la princesse ne peut pas donner son consentement au baiser du Prince charmant. Parce qu’elle est endormie. Le Prince est donc coupable d’une agression sexuelle et le conte doit être censuré ! 

Croce est un touche-à-tout, selon sa fantaisie. Mais son domaine de prédilection est incontestablement le cinéma, qu’il soit dans ses aspects locaux ou internationaux. 

Sur le plan local, l’auteur connaît tous les jeunes cinéastes de talent. À tel point qu’il peut établir un palmarès de ceux d’entre eux qui ont le plus de succès. Il nous apprend que c’est en Corse que l’on organise le plus grand nombre de festivals, par rapport à ceux de Provence, et même de Toscane, de Sicile et de Sardaigne. Il rend un hommage appuyé au « Monsieur cinéma » bastiais, René Viale. Inlassable promoteur de cet art, président du festival méditerranéen, puis du festival du cinéma italien. Il défend le grand cinéaste Ken Loach, (venu à Bastia en mars 2017) injustement accusé d’antisémitisme.

Le plaisir du partage

Sur le mode anecdotique, retenons quatre dates à marquer d’une pierre blanche :

 – En 1999 Alberto Sordi entonne à pleine voix des chansons romaines devant l’église de Saint Jean-Baptiste. 

– En 2002, dans le même quartier, la sulfureuse Ornella Muti provoque une forte sensation en se promenant sur la place du marché. On se la représente en pensant à la séquence où le personnage du film Malena de Giuseppe Tornatore joué par Monica Bellucci, arpente la grand-place de la ville. Tous les regards des hommes se tournent vers elle.

– On a du mal à s’imaginer les richissimes et célébrissimes Liz Taylor et Richard Burton visitant le village de Guargualè. Et pourtant c’est bien ce qui arriva en juillet 1967. Liz, en poncho noir à rayures blanches et Richard déjeunèrent chez Marianghjula Maestroni, qui avait mijoté à leur attention « un tianu à l’antica » !

– Mais la confidence qui tient certainement le plus à cœur à Jean-Baptiste Croce, parce qu’elle l’implique personnellement avec son ami René Viale, concerne la date du 26 janvier 2001, jour de son anniversaire. Ce jour-là Rosanna Santacecca, directrice des studios mythiques de Cinecittà l’avait invité avec René, à un dîner au restaurant « La Scala ». Les deux cinéphiles bastiais se trouvèrent en compagnie de personnalités de légende : Ettore Scola, Mario Monicelli, et Dino Rosi. « Un moment magique », dit Croce.

    Dans la salle obscure d’un cinéma, on ressent forcément le plaisir du partage vanté par Federico Fellini ; c’est ce plaisir que nous offre la lecture des confidences de Croce.

(Musanostra Edizione, décembre 2022, maquette Xavier Dandoy de Casabianca/ Eolienne)

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