par Jacques Fusina
Après lecture d’un  entretien de Umberto  Eco   :  (Umberto Eco, entretien avec Olivier Guez pour Le Monde magazine n°79 du 19 mars 2011)

L’auteur, célèbre car universitaire brillant et  romancier à succès, se livrait à quelques confidences sur son pays au moment où l’on commémorait de  façon un peu mitigée ses 150 ans d’existence.

Ses réponses constituent une sorte de leçon sur l’Italie moderne, mais à la manière de Eco, toujours originale, spirituelle et profonde à la fois. Et d’abord cette phrase : « L’Italie c’est avant tout une langue» que chaque Italien peut comprendre parce qu’elle n’a que peu évolué en mille ans ; ce qui permet à chacun de comprendre la Divine Comédie alors que d’autres Européens auraient des difficultés avec leurs textes anciens en version originale. C’est en quelque sorte la langue italienne qui a fait les Italiens, car le pays, plus qu’une expression géographique, est surtout une culture portée par une langue. Ce sont des constantes de cette culture présentes dans la littérature qui ont permis de faire émerger du campanilisme ancien l’unification difficile du pays moderne : les généraux du héros mythique Garibaldi, à défaut de comprendre le petit peuple, ont pu s’entendre avec les bourgeois et grands propriétaires terriens siciliens. Souvenons-nous du Guépard.

La propagation contemporaine de la langue s’est faite, selon Eco, d’abord par l’école et le service militaire, particulièrement au cours de la première guerre mondiale ; ensuite par les migrations du sud agricole vers le nord industriel ; enfin par la télévision qui a fourni à sa façon un lexique et une syntaxe élémentaire qui ont accéléré l’unification linguistique.
Du coup, pour lui, même Berlusconi parle un bon italien, probablement grâce à la télévision ! Alors, comment se fait-il que le pays apparaisse si désuni ? Parce que nous n’avons pas tué le père, comme les Français ou les Anglais ! Nous n’avions pas de père à tuer, car le régime du Duce n’a duré qu’une vingtaine d’années et qu’en plus le fascisme n’avait pas une idéologie unitaire mais était plutôt un mélange de diverses idéologies politiques et philosophiques où chacun a puisé ce qu’il a voulu, ce qui explique aussi l’héritage actuel : séduction persistante d’un syncrétisme nébuleux et d’un chef charismatique. Quant aux luttes fratricides, elles ont toujours marqué notre personnalité profonde. Sans oublier l’Eglise qui conserve un rôle primordial, l’Italie demeurant un protectorat du Vatican dont l’influence politique et financière reste immense.

Nous ne serons pas forcément tous convaincus par les points de vue du professeur Eco.  Une dernière chose : savez-vous l’origine du patronyme Eco ? Ex caelis oblatus ! Cadeau du ciel, il l’a avoué lui-même par ailleurs.

 


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