Monsieur Frégni, c est un grand honneur d’écrire pour vous, et un bien grand bonheur de me dire que je vais pouvoir enfin vous rencontrer. Je voudrais d’abord souligner la grande beauté de vos titres. Il y règne un avant-goût de la sensualité dont vous imprégnez vos pages, celle qui se dégage des femmes que vous croisez, de la vie que vous menez, et de la nature que vous adorez. Vos chapitres sont des mois et votre histoire commence à l’automne. « Septembre est un long silence bleu », et puis il faut beaucoup de patience, beaucoup de silence, pour avoir le privilège de rentrer dans la tendresse d’un jardin ».

Je suis née à Marseille et j’habite sous le Garlaban, alors évidemment lorsque l’on me parle des deux mon cœur ne peut que battre, et vous en parlez terriblement bien. Je retrouve toute la Provence au bout de vos phrases. Vous y chantez, et probablement, à vous lire, vous dansez également, car il y a dans vos livres une légèreté qui ramène à la cigale, que vous vénérez probablement autant que le Mistral ou le bleu du ciel. Vous êtes de Pagnol, de Giono, de Bobin. Vous ne citez pas Camus, mais je le cite pour vous, car votre écriture est bien de celle que l’on retrouve dans « Noces à Tipasa ». Avec l’admiration que Joël, vous et moi portons à Gaston Gallimard, et à la collection blanche dans laquelle je vous lis, forcément nous pensons aussi à ce grand écrivain dont l’âme poétique fait trembler les textes.

Joël, utopique et passionné, ce libraire fragilisé par une sensibilité si grande qu’elle en devient incontrôlable, dont vous nous racontez l’histoire magnifique dans la première partie de votre livre. Vous citez tous ces écrivains comme si vous vouliez nous prendre de court, car c’est bien vers eux que nous ramène votre écriture profonde,  poétique, qui sent « le thym et la farigoule  » comme l’a écrit Marcel Pagnol dans une lettre adressée au cousin de mon père, dont une copie est posée sur la cheminée de mes parents, et que je relis à chacun de mes passages à Favary en suivant les mots avec mon doigt. Dans vos pages, on s’étonne presque de tomber sur des phrases aussi simples qui sonnent aussi justes :
« Quand on est surpris on en dit toujours trop, on est maladroit »

Et puis vous avez un amour pour les hommes, vous êtes un humaniste, et un amour pour les chats. Comment dit-on pour les chats? Féliniste ? Pourquoi pas, cela nous ramène à l’Italie qui chante au moins autant que la Provence. « Les chats sont la vie des meubles » a écrit Jules Renard, et, « je tourne entre des meubles morts », avez-vous écrit à la mort de votre chat. Il faut aimer passionnément son chat pour comprendre d’instinct ce que Jules et vous-même avaient voulu dire par les mots, puisque c est par eux autant que par vos silences que passent vos plus beaux messages.

Monsieur Frégni, je lis pour la seconde fois ce titre que je n’ai jamais oublié, et, à retrouver au fil des pages autant de poésie dans le texte, je comprends pourquoi vous m’avez tant marqué. La plupart de vos phrases se confondent avec ma vie. Ne dit-on pas que nous construisons nos souvenirs à partir de ce qu’on nous raconte? Vous racontez les petits bonheurs du quotidien et les grandes tristesses du monde. Les  bulles de savon géantes qui brillent sous les lampadaires, les doigts qui remuent la terre noire d’humidité, le désespoir d’un homme qui a touché ses rêves et notre désespoir à tous Le matin du 7 janvier 2015. Votre livre se referme sur trois phrases évoquant terriblement l’amour et l’attente, l’espérance et la souffrance. Trois courtes phrases qui portent en elle toute la nostalgie de l’enfance qui se referme comme ce livre trop vite terminé. 

Par Caroline Vialle

Evènement – Rencontre avec René Frégni – Le 05 et 09 novembre 2024 – En savoir Plus
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