par Marie-France Bereni Canazzi

Plongée en Algérie, en quelques mois , en suivant un fil que je n’ai pas maitrisé.  Tout d’abord avec le roman Zabor de Kamel Daoud, puis avec Climats de France de Marie Richeux, enfin avec L’art de perdre d’Alice Zeniter
Si le premier m’a intéressée, s’il a avec talent montré le rôle de la lecture et de l’écriture, de la chose littéraire , dans la construction, la séduction, la survie de certains êtres, il a en commun avec les deux autres de m’avoir fait naviguer entre deux rives et tous ont constitué des ponts à leur façon.
Dans Climats de France j’ai retrouvé l’atmosphère de l’Algérie comme la présentent dans livres et films ceux qui ont dû la quitter trop vite, celle d’un coin de France en plus lumineux et festif, plus attendrissant peut–être. La construction de J Pouillon, son travail appréhendé par comparaison à ce qui a été fait en France avec la Cité radieuse sont aussi représentatifs d’un souhait de propager un mode de vie qu’on juge bon alors. Dans ce roman où le personnage s’appelle Marie mais n’aurait que peu de l’auteure, on est entre deux mondes et deux cultures qui se rejoignent.

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Je m ‘attarderai davantage ici sur L’art de perdre, d’Alice Zeniter, qui a su m’expliquer tellement de choses avec une belle écriture, en bon nombre de pages, il faut quand même le préciser, plus de 500 !  : NaÏma, une jeune femme française, moderne, apparaît assez vite dans le roman, car pour moi c’en est un . On comprend qu’elle mène un genre d’ enquête pour savoir pourquoi on est et on n’est pas l’autre, de chaque côté de la Méditerranée, pour savoir pourquoi on ne parle pas beaucoup de la vie d’avant et d’ailleurs dans sa famille paternelle, harkie, ce qu’elle apprend assez tard.
A travers le récit de la vie de son grand père , propriétaire en Algérie, le grand et jadis riche Ali, de son père Hamid dont la jeunesse fut une immense lutte pour échapper au déterminisme et aux camps aménagés en hâte par l’état pour recevoir ces français différents, c’est une période qui est interrogée, celle de la décolonisation, celle de ses répercussions.
L’écriture d’Alice Zeniter, jeune auteur de 31 ans, est lyrique souvent, toujours précise et efficace. L’empathie, le respect des autres, son absence de jugements, l’amènent à défendre les points de vue opposés et à nous faire relativiser. On est avec le FLN , avec Akli qui aura la gorge coupée pour avoir résisté, on est Ali, on est harki, on est Hamid et son goût pour le normal, l’intégré, on a de l’affection pour Yema, obligée de remplacer le ciel d’Algérie par des petits riens si importants qui ensoleillent sa cuisine.
U n très beau roman sur l’indicible de certains événements, sur le secret des familles, sur la difficulté à prendre parti, sur la honte vis-à-vis des siens si on croit avoir fait le mauvais choix…
Un livre qui fait se poser des questions sans jamais indiquer quelle est la bonne réponse, ce qui est plutôt rare.

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