Franck Bouysse - Orphelines
Franck Bouysse – Orphelines

ARTICLE – Antoine Giudicelli analyse le roman de Franck Bouysse, Orphelines, aux éditions Moissons Noires.

Le nom de Franck Bouysse s’impose peu à peu dans un univers a priori saturé, celui du roman populaire. Saura t-il comme Pierre Lemaitre gagner les plus belles récompenses ou le jugera t-on toujours trop peu ambitieux ? 

Découvert par beaucoup de lecteurs avec son roman Né d’aucune femme, publié en 2019 par La manufacture des livres, il est l’auteur aussi de titres à découvrir comme Plateau, Oxymort, Glaise… et en 2020 il vient de faire paraître Orphelines, chez Moissons noires.

Avec plusieurs de ses livres, dont Glaise et Né d’aucune femme, il nous a baladés dans un cadre rural, âpre, clos et malsain, où les passions naissent et se développent au dépens des plus faibles. Souvent les femmes.

Dans Orphelines,  les plus faibles, blessés, deviennent prédateurs. C’est le cas de notre tueur : on pénètre parfois dans son cerveau par des listes de mots et ce qu’elles évoquent de rejet et de rancœur conséquente. Certains lecteurs pourront trouver ces pages de délire légèrement superflues, voire un peu ennuyeuses. D’autres reprocheront à cette oeuvre la mise en oeuvre de ressorts psychologiques trop attendus. 

Orphelines est un roman policier assez classique, qui raconte l’histoire d’un tueur en série qui s’en prend à des femmes belles et jeunes. Il évolue surtout en ville-on ne sait exactement laquelle d’ailleurs-.

Il les aborde, leur inspire confiance, puis les mutile, inspiré par la posture cassée des poupées ou marionnettes, ces êtres choses disloqués qui concentrent son fétichisme. Il finit toujours par les tuer, ces jeunes femmes, et on les découvre dans les endroits les plus divers. On les plaint pour les souffrances vécues avant d’être tuées : on n’oserait imaginer une telle atrocité, elles encore vivantes, si les médecins légistes ne précisaient ce qui est antérieur à la mise à mort, et c’est trop. Ce criminel répond à une logique qu’il reste à comprendre, laissant pour traces aux policiers des bribes de chansons, des partitions, bien en vue près des cadavres.

Il sera poursuivi par un duo de flics, un homme et une femme d’âge différent, lui ayant pas mal vécu et ayant beaucoup souffert, elle ayant encore peu vécu mais ayant souffert aussi. Ils sont plutôt fatigués mentalement, tristes, en échec, seuls, et fondent ensemble une famille où on parle peu et où on se soutient. Ils aiment leur métier qui apparaît tout au long du livre comme ce qui fait sens dans des vies médiocres. Ils vont bien sûr réussir à attraper le monstrueux meurtrier et on aura même près de la fin une belle fausse piste bien réussie ! Cette histoire ferait un bon film, avec suspense et bons sentiments.

Les personnages principaux, le policier Belony, veuf, a perdu son enfant et cherche à tenir le coup. Lui et sa collègue , la jeune Dalençon, sont attachants. Franck Bouysse sait créer les ambiances, souligner les liens entre les êtres et on ne peut qu’admirer le naturel des conversations. 

Le tueur n’est pas celui attendu, et à la fin, la surprise est au rendez-vous. L’intrigue est prenante,  même si certains éléments peuvent paraître un peu artificiels. Le hasard fait parfois un peu trop bien les choses. Policiers un peu trop caricaturaux, perdants, confrontés à soucis de santé, crise du couple des parents à l’angoisse de vieillir; on n’est pas loin de Wallander, ou d’autres flics connus. Pas un qui soit heureux ?! Dalençon, quant à elle, apparaît bien candide quand il s’agit d’amour.

On peut dire que dans ce roman agréable à lire, le style de Franck Bouysse, apprécié dans Né d’aucune foule, est moins sensible : c’est un thriller, dans lequel manque un peu de son originalité. Orphelines, c’est plutôt un bon polar à lire pour se détendre, un bon scénario, bien mené, bien écrit.

Comme pour certaines œuvres de Pierre Lemaitre, parfois, ou de Fred Vargas, on pourrait dire que ce roman un peu machinal fait passer un bon moment.

Antoine Giudicelli


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