Lauréat de deux prix littéraires en 2021 (prix Strega giovani et prix Viareggio), Le pain perdu d’Édith Bruck retrace le parcours de l’autrice, rescapée de la déportation, à travers “la forêt obscure du XXe siècle”.

Par : Marie-Alexandra Colombani

Aujourd’hui âgée de 91 ans, Édith Bruck est une personnalité culturelle de l’Italie contemporaine. Épouse de Nelo Risi (le frère de Dino) ; elle a été scénariste et réalisatrice pour la RAI entre 1979 et 1991. Elle a, par ailleurs, traduit des auteurs hongrois et remporté une première fois le prix Viareggio (2009). Mais, elle est surtout connue pour son infatigable énergie. Énergie qui la conduit chaque année auprès du public scolaire pour témoigner de l’horreur des camps et raconter son expérience.

Le roman revient sur l’histoire de sa vie placée sous le signe des persécutions et de la déportation. D’abord persécutée dans un petit village de Hongrie, la famille est ensuite déportée dans plusieurs camps de concentration dont Auschwitz. L’œuvre retrace la survie dans les camps puis le difficile retour à la vie, un terme qui caractérise parfaitement ce récit : le lecteur suit le voyage de la protagoniste en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Israël, dans les cabarets à travers l’Europe et l’Orient et jusqu’en Italie où elle trouve refuge à 23 ans.

Les stigmates d’un passé traumatique

Ce qui pourrait apparaître comme une fuite est en réalité un retour, une quête, un voyage à la recherche de soi. Un dialogue permanent entre les stigmates d’un passé traumatique et une incroyable soif de vivre qui se manifeste dans le roman par une certaine ivresse. Plusieurs passages plongent le lecteur dans la Rome des années 50. L’on perçoit l’émerveillement de la nouveauté, la volonté de la saisir et de l’appréhender.

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Tous les auteurs qui ont raconté la guerre, les camps, la déportation ont probablement été confrontés à une contradiction. Écrire pour ne pas oublier ou ne plus parler des camps ? Comment écrire et décrire la douleur ? La réponse apportée par Édith Bruck est un récit dans lequel la haine est absente.

Cette œuvre dense s’inscrit dans la liste des ouvrages indispensables sur la littérature de la Shoah. Tragédie du XXIème siècle qui fait réfléchir sur l’humain, et sur ce que des hommes ont fait subir à d’autres hommes. Elle nous livre une réflexion philosophique voire métaphysique. Le pape François a souhaité rencontrer Édith Bruck après avoir lu le roman. Leur rencontre est racontée dans l’ouvrage. C’est moi, François, traduit par le même traducteur. Dans la préface, le pape a souligné la dimension humaine exceptionnelle d’Édith Bruck.

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