S’il ne restait qu’un chien Joseph Andras Mai 2017, Actes Sud
Le port du Havre prend la parole pour évoquer cinq cents ans de son histoire : on a connu argument plus accrocheur ! Mais dès les premières lignes, le lecteur est happé dans un tourbillon historique, social et…. poétique. À la première personne du singulier, ce port « qui ne sait plus son âge » se souvient « des siècles qui l’ont fait » : de ces hommes célèbres – rarement glorieux – , de ces masses d’inconnus – esclaves, prostitués, dockers…-, des événements historiques, des révoltes sociales, de la course à la modernité… Ce port se raconte pour dire l’histoire de l’humanité : celle d’hommes voraces, insatiables qui tuent, pillent, souillent et violent, qui chérissent le chaos plus que le calme et ne peuvent jamais aimer ou espérer bien longtemps ; les siècles ont enseigné à ce port que « la candeur est crime /qu’une main tendue cherche la corde pour vous pendre / qu’une caresse sait toujours ce qu’elle peut en tirer » parce que les humains sont ainsi : « fendant des nuques en dédiant des cantiques / mettant au pas les oiseaux rares / (…) mais souriant à nouveau comme ils souriaient hier / – c’est là tout leur génie ».

     Dans ce poème en prose aux sonorités rocailleuses, Joseph Andras fait entendre les cris des hommes et leur incessante agitation. On entend parfois des échos baudelairiens, rimbaldiens, céliniens mais la voix du poète reste singulière, âpre mais chaleureuse, dense mais aérienne, grossière mais raffinée, puissamment humaine en somme. S’il ne restait qu’un chien est de ces textes dont on parle difficilement, tant ce que l’on peut en dire semble en-deçà de sa puissance évocatrice. Andras nous apprend à nous taire devant le fracas du monde, il nous invite au silence, celui du recueillement et de la lucidité, ce silence invoqué par le port : « le silence /oui / le silence /et me regarder dans l’œil de ce chien pour y trouver un peu du reste de mon âme. »

 
 


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