La Corse, c’est la noce de la mer avec le granit ». Entretien avec Sylvain Tesson, l’écrivain voyageur invité du festival Musanostra de Lumio

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Festivals de l’été 2024

Sylvain Tesson, au frais dans le cuvier du domaine Clos Culombu de Lumio • © Musanostra

Écrit par Céline Serrano

Publié le 11/08/2024 à 11h57

Littérature, vin, et chemins de granit, le festival de Lumio avait tout pour séduire l’écrivain voyageur Sylvain Tesson. Invité à échanger avec ses lecteurs pour la dernière soirée de la manifestation balanine Musanostra, il nous a accordé un entretien, plein de son désir de partager son amour pour la nature.

C’est la première fois qu’il est l’invité d’un festival en Corse, mais Sylvain Tesson connaît bien l’île. Il en a déjà exploré les chemins, grimpé les voies de granit rouge des aiguilles de Bavella, arpenté les rues d’Ajaccio en quête de ‘la geste impériale napoléonienne » qui le fascine.

Mais la Balagne il la connaît peu, alors ce 10 août, peu importe la canicule, il n’a pas pu résister au plaisir d’une marche, avant d’aller à la rencontre de ses lecteurs à Lumio.

C’est donc imprégné de ces paysages majestueux, qui se révèlent en parcourant les chemins des bergers entre le village abandonné d’Occi et l’auberge de Cateri, qu’il nous a accordé un entretien, lyrique et poétique. 

Il vous était impossible de résister à l’appel des chemins ?

Je suis allé saluer la très ancienne présence de la civilisation méditerranéenne dans ces montagnes. C’était une merveilleuse plongée dans le temps, dans la beauté absolue de cette Corse pastorale. Le sylvopastoralisme a embelli ces montagnes. Ces oliviers noueux accrochés à la roche, ce granit rongé par l’iode qu’on appelle le tafoni, ça m’émeut beaucoup. La Corse, c’est la noce de la mer avec le granit qui est une roche chère à mon cœur, un socle tellement dur, chargé de mémoire. Ces chemins témoignent d’une présence humaine millénaire. Mais aujourd’hui ce ne sont plus les mêmes semelles qui les parcourent. On est passé de l’ordre pastoral à l’ordre du loisir, on consomme ces chemins.

Pendant les six mois de retraite solitaire dans une cabane de la toundra sibérienne que vous racontez dans votre ouvrage paru en 2011 « Dans les forêts de Sibérie », la vodka vous a été une solide compagne. Ici à Lumio, le festival Musanostra marie la littérature et le vin, cette union vous réjouit ?

Il y a 10 ans j’ai été victime d’une chute de 10 mètres, un accident très grave, et depuis j’ai renoncé à l’alcool. Je ne peux plus boire pour des raisons médicales. C’est mon malheur. Mais c’est très logique d’associer le vin et la littérature. Tous deux sont des moyens de transport de l’âme et de l’esprit, des moyens de sortir de soi. Le vin et la littérature sont des élixirs de création. Pour moi, le poète et le paysan sont deux corps de métier très proches, des mots ou de la terre ils font naître de la beauté.

Il faut revenir au grand chant d’amour à la nature, demander aux murs, aux chemins, aux perdrix de nous inviter à entendre leur chant.Sylvain Tesson

écrivain voyageur

Dans votre dernier ouvrage, « Avec les fées » vous êtes parti en voilier à la rencontre des pays celtes. De l’univers onirique et fantasmagorique de la culture celtique, peuplé de fées et de korrigans, vous donnez une version très organique 

Je n’ai pas du tout besoin d’imaginer que la fée est une petite créature libellule en tutu dotée d’une baguette magique. Pour moi la fée est la manifestation de la puissance de vie. Le monde réel, le spectacle de la vie florale et animale, la conversation entre le photon et l’azote sont tant d’occasions de s’émerveiller de la beauté de la vie, de ce miracle et de sa puissante fragilité !

Cette fragilité, l’homme la constate, la mesure. La température de la mer Méditerrannée a pour la première fois été relevée à 30°C ici au large, entre Nice et Calvi. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

La terre brûle, l’eau bout. Je ne vais pas ajouter une voix au concert de déploration. II y a trois possibilités : soit on ne fait rien, soit on continue, soit on fait quelque chose. Et si on fait quelque chose, soit on fait avec la technique, qui s’attache tellement à trouver des remèdes qu’elle en oublie les origines du mal et de le prévenir ; l’autre possibilité, c’est de faire ce qu’on peut avec ce que l’on a. Moi je fais avec la poésie. Je crois en la puissance performative de la langue, aux mots plutôt qu’aux chiffres. Le chiffre ne dit rien. Un poème qui vous arrache des larmes saura mieux éveiller à la beauté de la nature que toutes les statistiques et autres données scientifiques. Il faut revenir au grand chant d’amour à la nature, demander aux murs, aux chemins, aux perdrix de nous inviter à entendre leur chant. Moi je crois à la poésie, et au mouvement. La vie c’est le mouvement. Il faut aimer le monde puisque l’on vient au monde. C’est ça que j’ai envie de partager avec ceux qui me lisent. 

Sylvain Tesson, Thomas Schlesser, Lumio accueille de grands auteurs pour célébrer la littérature, et le vin !

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Festivals de l’été 2024

Dans le public, des amateurs de vin, de littérature, et de belle lumière

Écrit par Céline Serrano

Publié le 10/08/2024 à 12h05

Comme le bon vin le festival Musanostra de Lumio se bonifie avec les années, et gagne en notoriété. Pour cette onzième édition le public est invité à échanger avec de grandes plumes, tout en dégustant les vins de Balagne.

Couronné du prix Musanostra 2024 pour son deuxième roman au succès retentissant  » Les yeux de Mona « , Thomas Schlesser a offert un échange passionné aux amoureux de vin et de littérature venus le rencontrer ce vendredi soir à Lumio.

Historien de l’art, professeur à Polytechnique, directeur de la fondation Hartung- Bergam et écrivain, l’homme est brillant et partageur. Un plaisir pour le public venu échanger avec celui dont le roman « Les yeux de Mona » publié aux éditions Albin Michel, s’est vendu à plus de 160 000 exemplaires en France et a été traduit en 37 langues. 

La veille c’est l’auteur insulaire Petru Leca qui a reçu le prix Musanostra de littérature en langue Corse pour son recueil de poèmes « E u ventu » paru aux éditions Albiana.

Et la soirée de clôture ce samedi 10 août se déroulera en compagnie de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson, pour la première fois en visite en Corse.

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