Le titre de ce premier album résume le projet de Clara Luciani : naître au monde. D’un côté, la chanteuse propose à l’auditeur un ancrage topographique. Il s’agit, par ce biais, de se mettre en situation – celle d’une parolière, d’une compositrice et d’une interprète, née à Martigues, désireuse de se présenter en première personne à ce qui deviendra son public ; de l’autre, Sainte-Victoire se construit comme une délibération thérapeutique : chaque chanson s’identifie au fragment d’un récit autobiographique conçu comme une ascension.
En effet, dans ce premier album, Clara Luciani met à distance ses échecs sentimentaux (Eddy), les injonctions lui étant adressées par la société masculine depuis son enfance (Drôle d’époque), le besoin d’absolu qui est le sien (Monstre d’amour) pour s’en extraire et se constituer en individu souverain. La victoire désigne donc la manière dont un sujet s’est extirpé de ses chaînes, a dépassé ses propres souffrances, afin de se constituer en personne libre. Clara Luciani propose, à travers sa Sainte Victoire, une ascension libératrice : l’album propose un récit de vie qui est censé nous conduire tout en haut de la Sainte Victoire, dernière chanson de l’album ; et les derniers mots de cette chanson, qui consacrent cette libération, conduit l’auditeur à une deuxième écoute – celle qui permet l’affirmation de soi, le temps retrouvé.
Le projet de Clara Luciani rejoint celui de Marcel Proust : ce n’est qu’en perdant le temps, en faisant l’épreuve de la perte, que l’on parvient à mettre en oeuvre la recherche qui restitue le sens. Ce temps retrouvé, c’est précisément l’objet de cette transformation qui a consisté à changer l’indicible en dicible, la souffrance en art. C’est le temps de ce qui signifie.
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