Partie de son île natale en Croatie, Héra s’installe à Paris chez une tante dédaigneuse et s’initie aux mœurs de la capitale. Avec L’œil du Paon, Lilia Hassaine propose un roman d’apprentissage plein d’acuité et de sensibilité, rédigé dans une langue fluide et élégante.
Par : Antoine Guidicelli
La mythologie et l’exotisme
L’oeil du paon. Le titre fait penser à la magnifique parure du bel oiseau et à Argus, tué parce qu’il voyait tout et que rien de ce qui existe et se passe n’échappait à sa vigilance.
La mythologie est bien présente et comme chez les dieux, la passion domine dans ce roman. Elle est maladive ou au contraire force de création. Et il est question de paons et de morts, au début et à la fin de l’œuvre ; d’antiquité et de modernité, de sagesse et de démesure.
On est sur une île où un paon, magnifique, se meurt d’un mal mystérieux et le drame déjà se joue.
L’exil à Paris
Ce premier roman a pour protagoniste Héra, belle jeune fille partie de son île croate parce que son père Adonis, est inquiet pour son avenir. Ce dernier l’envoie à Paris, chez la sœur de sa mère, Agathe, qui va l’héberger. Héra quitte son petit paradis pour une ville inconnue et une famille où, sans que la discorde règne, tout n’est que rituels et froide cohabitation.
Seule avec les siens
Sa tante semble blasée, épuisée. Elle la traite en subalterne, sans manifester le moindre sentiment pour la fille de sa sœur décédée, sans chercher à l’aider à s’intégrer dans cette vie nouvelle. Elle lui confie son fils et sa carte bancaire, incapable de s’intéresser autrement à la vie de ces deux jeunes personnes qui ont tant besoin d’amour. Son époux, l’élégant Laurent, rentre et sort sans faire de vagues, aimable et généreux ; Hugo, le fils du couple, petit garçon sensible, est bien seul. Il va donner tout son amour à sa cousine, la seule qui semble animée d’un peu d’humanité dans ce bel appartement, cage dorée devenue sans âme.
Hugo, Gabriel et les autres
En accompagnant Hugo à l’école, Héra va rencontrer Gabriel, jeune instituteur qui va peu à peu devenir son ami ; tous deux s’occupent de l’enfant et elle va faire avec lui la connaissance d’un groupe de jeunes parisiens, partageant leurs sorties, leurs habitudes. Munie de son appareil photo, elle fige souvent des moments de vie de la ville.
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Roman d’apprentissage, initiation aux mœurs de la capitale, découverte des perversions, des drames cachés sous des couches de conventions, roman psychologique, c’est une enquête en eaux troubles sur certains couples, certains choix sexuels et sociaux. L’oeil du paon explore ainsi les non-dits. Le roman est également révélateur de la difficulté à assumer son identité à notre époque.
De surprise en surprise
Désabusée, la jeune femme crée et connait la gloire, munie de son appareil photo, comme l’œil du paon ; est-il à jamais sans effet ? Elle n’a pas tout vu et le lecteur est donc mené de surprise en surprise. Lilia Hassaine, observatrice, révèle avec cette fiction beaucoup du monde qu’elle connait ou pourrait connaitre. L’écriture, fluide, soignée, alliée au langage de photographie permet la création d’images, nombreuses, qui au fil des pages en disent long sur sa vision du monde actuel, tout en apparences.
Lilia Hassaine, L’œil du Paon, Paris, Gallimard, 2019
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