Le 22  novembre dernier, dans le local de la compagnie  Théâtre Alibi, nous étions invités à un spectacle original, dont le titre « Bartolomeo In Sünd » mérite une explication préliminaire. Il s’agissait d’une « lecture-concert », ou « création sonore », animée par quatre acteurs : d’une part, un « power-duo foutraque »,comme ils se définissent eux-mêmes : Marc-Sauveur Costa et Pierre Savalli, interprètes de musique électronique, et d’autre part  deux récitants, Stefanu Cesari, et Pierre-Laurent Santelli.

Cesari lisait son propre texte, en langue corse, et Santelli, la version française. Notons au passage que cette dernière n’est pas une traduction, mais une création à part entière.  Le texte bilingue, Bartolomeo in cristu, a été publié par les éditions Eoliennes, enjuin 2018, dans  un ouvrage de petitformat, élégant et impeccablement mis en pages. Cesari a été inspiré par lacontemplation d’une fresque de la chapelle de San Pantaleu di Gavignanu (pieve di Rustinu), qui représente le martyre de Saint Barthélémy, écorché vif. Les  organisateurs justifient cette rencontre improbable entre un thème imprégné de culture biblique et une musique moderne,par le fait que le « power-duo » travaille sur la matière brute, telle la pierre et le métal, mais par moments, l’intensité des instruments laissait peu de respiration au récitant.

Il est difficile dedéfinir ce poème en prose. S’agit-il d’une « cantilène »,
(« chantprofane d’un genre simple »), ou plutôt d’une « litanie » (« prière liturgique de forme populaire ») ? Le poème se dérouleù un rythme  lancinant, hypnotique,  obsédant. « Envoûtant et mystérieux »dit Emmanuelle Caminade, dans le compte rendu qu’elle en fait dans L’or des livres. Comme un rosaire que l’on psalmodie, comme le lent cheminement circulaire d’une granitula. Le thème central du dépouillement s’applique aussi àl’expression.   Le récit exalte en effet la puissance de lalangue, avec des formules frappantes, telles que « le silence de lalumière ». Le sang qui bat, la respiration qui recule, « c’est uneforme de sauvagerie, une pureté violente sous le soleil de midi ».

Un spectateur  nous a confié que quelques images  évocatrices, telles qu’ un chemin au pied d’un arbre mort, les figues qui sèchent sur une claie, les murs de pierre que les passants redressent, le vieil homme qui nous lie le long de l’arbre des générations, lui ont fait penser à son grand-père toujours souriant, malgré son infirmité, qui remontait  en s’appuyant sur deux cannes , le long d’un sentier rocailleux entre deux murets de pierres sèches, en direction d’une maisonnette de granite rose. En somme, au temps où l’enfant était heureux, sans le savoir.

Un poète qui a le talent de susciter de telles émotions doit être, lui aussi, un écorché vif.

                                                               Francis Beretti

                                              ***

Unsünd. https://www.facebook.com/unsundmusic/

Compagnie Théâtre Alibi, 2 rue Notre Dame de Lourdes, 20200 Bastia. www.theatrealibi.com.Tél. (0)4 95 39 01 65

Marianne Laliman, article sur Bartolomeo in cristu de S.Cesari site Musanostra publié le 9 juillet 2018. 
https://www.musanostra.com/?p=6880

Emmanuelle Caminade, article sur Bartolomeo in cristu, de Stefanu Cesari, dans L’Or des livres, blog de critique littéraire, publié le 6 août2018.


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