Par Jacques Fusina

On a eu l’occasion de lire cette année de  Jean-Noël Pancrazi son roman  Indétectable qui racontait la pauvre vie à Paris d’un immigré africain  sans carte de séjour. Mais je vous parlerai aujourd’hui d’un autre genre de séjour, celui du père de l’auteur, en mauvaise santé aussi, à la maison des vieux, l’hospice Eugénie d’Ajaccio, où il a passé ses derniers jours. « Long séjour » est donc justement le titre qui évoque ainsi sans détour les moments passés auprès du père dans l’établissement de soin ajaccien pour les vieillards hospitalisés.

Pour ceux qui attendraient un roman, il convient de préciser qu’il s’agit plutôt ici d’un récit autobiographique mais la collection de chez Gallimard où il s’inscrit se nomme « l’un et l’autre » et l’éditeur nous indique qu’elle y accueille des récits de mémoire et de passion entre un auteur et son héros secret, son modèle, non toujours d’ailleurs une personnalité célèbre mais parfois quelqu’un de modeste, de timide et de vie peu glorieuse. Peu importe donc pour l’auteur si son père ne fut pas un personnage public très connu : ce qui compte pour lui avant tout c’est l’affection, le souci toujours en éveil, le regard d’un fils attentif à chacun des gestes de son père, et prêt à lui offrir aide et soutien. Mais on découvre peu à peu aussi un ensemble de sentiments mêlés, nostalgie ou remords, lorsqu’est évoqué de temps à autre quelque fait passé non toujours bien compris dans la famille où ne régnait pas souvent la sérénité dans le couple sous les yeux troublés de l’enfant. Quoi qu’il en soit, des éléments d’identification le lecteur en trouvera peut-être plusieurs auxquels il pourra s’attacher à mesure qu’il progressera dans le récit.

Ce que l’on préfère dans le travail de Pancrazi c’est cette écriture claire et sensible, précise et colorée à la fois, toujours enrichie de menues observations, justes et belles, pleines de tendresse retenue pour son intime héros même en dévoilant  les situations les plus dramatiques. Chaque instant d’une vie difficile, du peu de reconnaissance à l’extérieur comme à la maison pour l’homme vieillissant, mais toujours honnête, humble en toutes circonstances, et sans cesse optimiste pour ne pas déplaire, ne donner d’ennuis à quiconque, malgré l’absence de considération et le peu de réussite sociale. Dans ce courageux travail d’introspection, on pourra trouver bien entendu des ressemblances qui donnent à réfléchir, mais c’est toujours une réussite lorsque la littérature touche avec talent aux  mille vérités complexes de toute vie humaine.

(Jean-Noël Pancrazi,  Long séjour, Gallimard, collection L’un et l’autre, 1998)

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