ARTICLE – Alain Walter présente l’ouvrage de Patrick Mc Guinness, Les Cents derniers jours, publié aux éditions Grasset.
L’auteur, Patrick Mc Guinness, professeur de littérature française comparée à Oxford et qui a vécu en Roumanie, nous fait vivre des événements historiques dans un style vivant, simple et plaisant.
En ces temps de confinement, il peut paraître un peu paradoxal de recommander un livre qui évoque l’enfermement. Ces cent jours sont, par ailleurs, sans rapport avec Napoléon. Les cent derniers jours racontent la fin de la dictature communiste de Nicolae Ceaucescu en Roumanie en 1989, vécue par un jeune Britannique sans qualification particulière, envoyé pourtant par son pays pour occuper un poste de professeur de littérature anglaise à l’université de Bucarest.
Son prédécesseur, un nommé Belanger, dont l’ombre plane sur le roman, a dû quitter précipitamment la Roumanie pour des raisons inconnues. Sur place, le narrateur rencontre son compatriote Léo O’Heix, personnage extraverti et truculent, également professeur à l’université et surtout (petit) roi du marché noir et des combines diverses, grand amoureux du vieux Bucarest, livré aux démolisseurs par la folie mégalomaniaque de Ceaucescu. Les édifices vieux de plusieurs siècles sont abattus et remplacés par des immeubles uniformes, mal construits, inachevés, dans lesquels s’entassent, dans des conditions misérables et insalubres, des paysans arrachés à leurs villages, souvent eux-mêmes détruits.
Sur fond de pénurie généralisée, sauf pour la nomenklatura, les touristes et les étrangers, chacun essaie de survivre, entre mensonge, résignation et exaspération contenue. La peur suscitée par la toute-puissante et terrible Securitate (les services secrets) est omniprésente et n’épargne personne.
Notre homme croise la belle Ciléa, jeune femme de la nomenklatura, libre et sans états d’âme, qui s’avérera être la maîtresse de Belanger. Son père, Manea Constantin, vice-ministre de l’Intérieur, distingué, cynique et pragmatique. Ottilia, jeune femme médecin, courageuse et intransigeante. son demi-frère Petre, jeune artiste, optimiste et généreux. Trofim, ancien dirigeant tombé en disgrâce, vieux Juif resté communiste convaincu. Wintersmith, diplomate anglais tortueux et vaniteux.
Le vent de liberté qui a commencé à souffler timidement sur l’URSS de Gorbatchev, puis plus vigoureusement sur les pays d’Europe de l’est durant l’été 1989, semble avoir ignoré la Roumanie de Ceaucescu.
Pourtant, alors que le mur de Berlin s’effondre début novembre, l’Histoire du pays, figée depuis si longtemps, se remet en marche brutalement : émeutes sanglantes en province, usines occupées dans la capitale, jusqu’à ce 22 décembre où le dernier discours public du tyran est perturbé puis interrompu par une foule qui n’a plus peur de manifester sa colère. Le couple Ceaucescu est arrêté, jugé sommairement et exécuté.
Le roman s’achève dans une atmosphère chaotique, marquée par le retour de Belanger, qui, depuis la Yougoslavie où il s’était réfugié, continuait à tirer beaucoup de ficelles. Il revient en chef de clan et retrouve Ciléa. Le narrateur revient lui aussi, après un faux départ, pour l’amour d’Ottilia et d’un pays au seuil d’une ère nouvelle très incertaine.
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