Avec des thèmes comme les douleurs familiales ou l’inadaptation sociale, Les roches rouges est un roman bien ancré dans l’œuvre d’Olivier Adam. Ce dernier parvient toutefois à surprendre son lecteur grâce à des personnages capables de se réinventer.

Par : Audrey Acquaviva

Le roman d’Olivier Adam, Les Roches rouges, paru aux éditions Robert Laffont, peut se lire comme une tragédie en trois actes. Tout d’abord le lecteur fait la connaissance de Leïla et Antoine qui s’aiment malgré les obstacles de la vie et les mensonges. Très vite, on apprend que le jeune homme est au bord de la marginalisation, heureusement que le foyer parental le maintient dans une certaine stabilité. Quant à Leïla, elle est une jeune mère dont le conjoint montre des signes de jalousie et de violence.

Puis propulsés par les événements, ils font le pari d’une nouvelle vie en changeant de décor. En fait, une vie de suspension, dont personne n’est dupe, avant que le sang ne coule. Enfin la dernière partie nous prouve, sans grande surprise, que leur sort était déjà scellé. Impression qu’Antoine paie pour un autre crime, tandis que Leila retrouve une part d’elle-même et de son équilibre. Sa liberté. Du soutien. Une famille. De l’amour.

Autour d’eux, des personnages apparaissent ou disparaissent, gravitent ou planent comme autant de drames qui s’ajoutent à la tragédie, s’imbriquent les uns aux autres. Des drames qui sont profondément réalistes et intimes : la perte d’un enfant lors d’un accident de circulation qui détruit une famille, particulièrement une mère, et fauche des élans, des espoirs ; l’inceste qui arrache une jeune fille à sa famille ; une union qui enferme, qui isole et détruit à petit feu, qui a la violence comme hôte. En toile de fond, la société qui exclut et plombe à la fois le quotidien et l’horizon.

La grisaille et la lumière

Le chômage et la galère qui en découlent y sont abordés. On reconnaît bien là la petite musique d’Olivier Adam. Ce réalisme âpre, ces personnages asphyxiés, violentés, piégés. D’une effroyable et triste lucidité qui frappe aux yeux et au cœur. En effet, malgré leur jeune âge, les personnages principaux voient juste. Et là, une éclaircie :  une main se tend, l’amour les surprend, les étonne, fait bouger les lignes, émeut et redresse. Un cap, bien que désespéré, est donné. Le lecteur et le jeune couple peuvent respirer.

olivier adam
Olivier Adam est notamment l’auteur de Je vais bien, ne t’en fais pas

Tout au long du roman, des mondes ou des décors se croisent ou alternent. Ainsi la froide grisaille urbaine laisse place à l’ardente et lumineuse Méditerranée qui les enveloppe. Un refrain aznavourien vient en tête, d’autant plus que le luxe y côtoie la précarité. Et le pourtour méditerranéen étant fait de croyances qui ont traversé les âges, le monde invisible vient ponctuellement redonner de la force au monde des vivants. Du moins à Lise, la sœur d’Antoine, elle aussi s’y est réfugiée. Est-ce un rêve ? Un baume ?  Une folie ? Peu importe. Elle reprend en quelque sorte un peu vie.

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Quant à la narration, elle permet de doubler les voix, de changer d’angles et de perceptions. D’imbriquer habilement les éléments narratifs, de créer une attente : tout au long du roman, les voix d’Antoine et de Leïla alternent. Chacune éclairant l’autre, lui répondant. Tour à tour, le lecteur accède aux pensées, au verbe teinté d’oralité, aux petits arrangements avec la vérité des deux personnages.

La place de l’écrit

Mais il ne faudrait pas oublier la part centrale de l’écrit pour eux. En effet, dès le début du roman, Leila noircit son carnet, offert par Antoine. Toujours dans la solitude. C’est son moment. Elle y raconte son quotidien et s’interroge sur sa vie, pose un regard sur ceux qui l’entourent. Tandis qu’Antoine arrive à l’écrit par dans un premier temps raconter des fictions. Pour passer le temps, pourrait-on supposer. Et dans un second temps, raconter son histoire de vie brisée, lui donner un sens. Et le lecteur ne peut qu’y être sensible.

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