Lettres à mes fantômes est le dernier roman de Gilles Zerlini. Avec une grande qualité d’écriture, l’écrivain nous livre l’expérience amère d’un conscrit corse au début de la guerre d’Algérie. Témoignage puissant de souvenirs foisonnants, de traumas d’insoutenables tortures et de funestes calamités.
Par : Francis Beretti
Gilles Zerlini vient de publier son cinquième roman, intitulé Lettres à mes fantômes.
L’histoire se déroule en 1955 : un jeune appelé corse, Ferracci, se trouve embarqué dans une aventure qui le dépasse. Il subit alors, bon gré mal gré, les directives du discours officiel. On l’a envoyé en Afrique, lui dit-on, pour une mission de « maintien de l’ordre ». En Algérie, au début du conflit.
« Si on m’avait dit que c’était la gauche française qui allait me transformer en policier et en assassin, et que c’est elle qui allait m’envoyer là-bas casser du Bougnoule. Quelle avanie ».
Le local des suppliciés
Zerlini a trouvé les mots justes pour évoquer le désarroi du jeune homme qui découvre peu à peu la réalité sordide masquée par de doux euphémismes. On l’entraîne vers « l’écurie pour s’occuper des crevettes ». Une façon cynique, certes, de désigner le local des suppliciés soumis à la gégène.
Les « baignoires », meubles bourgeois du 19e siècle, synonyme de progrès et de confort, ont été ici transformées en instruments de « cuisine », mais dans le sens policier du terme, et elles dégagent l’odeur épouvantable des déchets humains.
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Les Algériens bougent, les émeutes urbaines sont submergées par « une vague de sang ». La fameuse gégène, torture dont on ne connait souvent que le nom, est présentée avec des détails qui sont à la limite du supportable.
Le narrateur motive ainsi la lettre qu’il adresse à ses fantômes, à son « frère » ; à ceux qui sont morts et à ceux qui ont survécu :
« Je récite ici pour toi, les poussières d’une mémoire fragile comme un aède, comme un chantre de mon peuple, des miens ; ces bribes de phrases entendues, écoutées dans l’enfance, photographies floues, et qui résonnent toujours encore. Juste avant, une dernière fois avant de perdre la mémoire ».
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