DAVID FOENKINOS reçu à Lumio

Le Clos Culombu, la Mairie de Lumio et l’association Musanostra ont eu l’excellente idée de recevoir le 21 juillet dans un cadre champêtre, près d’une magnifique aghja , l’écrivain scénariste et dramaturge David Foenkinos qui a reçu de nombreux prix pour ses romans dont le Prix Renaudot pour Charlotte.

FOENKINOs
 

Une conversation touchant l’ensemble de son œuvre a été menée par Mmes Bereni Canazzi, Giusti Savelli,Malpelli, Marchetti, Vittori et MM BIndi et Petroni, secondés par le public.

 
 
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Etienne Suzzoni, représentant la mairie de Lumio et le Clos Culombu, notre hôte, Marie-France Bereni-Canazzi représentant l’association Musanostra et le romancier David Foenkinos

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Les souvenirs, roman présenté par B Giusti Savelli et réponse de l’auteur
 
Présentation par Nathalie Malpelli de sa lecture de 3 œuvres de David Foenkinos 

Je m’attarderai sur trois romans de David Foenkinos à l’occasion de cette rencontre : En cas de bonheur, La délicatesse, les cœurs autonomes.
Dans chacun des trois romans, on trouve trois figures féminines dominantes : Claire, Nathalie et elle (figure féminine anonyme).
Tout d’abord, les personnages féminins de David Foenkinos sont des personnages graves que l’on qualifiera volontiers de sérieux. Contrairement à la dimension clownesque des personnages masculins, on perçoit chez les femmes quelque chose de posé, de rassurant : une sorte de contrepoint au burlesque et au ridicule masculin.
Claire, tout d’abord, héroïne de En cas de bonheur est décrite dès le chapitre 2. L’auteur lui consacre quelques pages avec un préambule qui donne le ton du roman : « Il est préférable d’entrer chez une femme par le cheveu ». Claire ayant une chevelure indécise, on devine chez elle une part d’incertitude où tous les possibles sont possibles. Agée de trente cinq ans, elle apparaît pleine de maturité voire même rigide du point de vue de son époux Jean Jacques. Elle peut être glaciale avec « une incroyable capacité à la froideur ». Elle est belle mais d’une « beauté peu extravagante ». La dimension charnelle du personnage est quasiment occultée, c’est un personnage presque asexué : « Son plaisir à elle lui était toujours apparu comme une considération lente ». Bref, on l’aura compris : Claire semble être une femme inaccessible, ce genre de femme que l’on regarde avec presque une forme de timidité tant elle semble hautaine et distante. Comme sa vie sentimentale ressemble à un no man’s land, un Roissy (endroit dans lequel elle travaille), elle se réfugie dans le souvenir. Claire est personnage nostalgique qui refait le film de ses moments heureux avec Jean Jacques. Aussi le moment idyllique qu’ils ont passé il y a des années à Genève vient nourrir sa psyché ce qui remplace misérablement une vie libidinale, une vie amoureuse qu’elle n’a plus depuis longtemps.
Comme chez Nathalie héroïne de La délicatesse, on trouve chez Claire une forme de mimétisme avec son amoureux. Lorsqu’elle rencontre Jean-Jacques, ils sont en train de lire tous les deux Belle du Seigneur d’Albert Cohen. Il y a chez les personnages de David Foenkinos une notion de destinée.
Et puis, une constante chez ces personnages féminins, c’est qu’on les trouve là où on ne les attendait pas. Il y a une force imprévisible qui pousse les femmes dans ces romans. La scène de rupture est édifiante à ce propos. Insupportée de voir son mari ronfler benoitement dans un hamac lors du repas dominical chez ses parents, Claire va décider de le quitter. Son laconique « je te quitte », sa disparition provoque un séisme chez Jean Jacques qui mesure alors tout ce qu’il a perdu. Claire prend alors une importance grandissante dans l’esprit de Jean Jacques. Lorsqu’elle-même goûte à l’adultère, on repère toute sa délicatesse, elle est sensible aux symboles plus qu’aux actes eux-mêmes : « l’idée de faire un voyage avec un autre homme lui paraissait nettement plus violente que de faire l’amour avec un autre homme ».
Les femmes de David Foenkinos sont étroitement associées à l’idée du couple, elles lui sont consubstantielles. Elles sont aussi le tuteur du couple. Elles décident de sa vie ou de sa mort. Le happy end du roman consacre la toute puissance de Claire.
J’ai retrouvé des échos au personnage de Claire dans La délicatesse à travers le personnage de Nathalie. Dès le début du roman, on découvre le portrait de Nathalie qui signale d’emblée au lecteur l’importance de ce personnage. Comme Claire, Nathalie est discrète. On dit d’elle une « sorte de féminité suisse ». Elle aime rire, lire…Cet écho phonique semble relier d’ailleurs les deux activités. On parle d’elle comme étant un personnage rêveur mais pas nostalgique alors qu’en note l’auteur nous signale « que c’est assez rare chez les Nathalie ». Nathalie est un personnage fin, délicat ce qui renvoie directement au titre comme une forme de périphrase mais en même temps la délicatesse peut renvoyer à autre chose par exemple être en délicatesse signifie une attitude froide, glaciale. Être délicat peut avoir une acception péjorative.
Et Nathalie est un personnage distant comme Claire d’ailleurs. Lorsque brutalement elle devient veuve, elle se réfugie dans le travail, s’isole dans sa solitude. Comme Claire, elle est confrontée à la perte : Claire c’était l’adultère, elle c’est la mort. Devant la perte les personnages féminins affichent une solidité, une attitude hiératique. Comme Claire aussi Nathalie est prise d’une pulsion sensuelle : le baiser asséné à Marcus (comme la relation avec Igor) est un tournant totalement imprévisible et improbable dans la vie du personnage. Comme Claire, Nathalie lit le même roman russe que Markus, comme si ces deux-là étaient voués inéluctablement à se rencontrer. Ici, comme dans En cas de bonheur la notion de destin est présente. Nathalie est un personnage qui prend le temps : de faire son deuil, d’aimer à nouveau. On assiste à l’évolution des sentiments, à leur circonvolution dans le roman. Tout est dans l’attente du désir amoureux. La fin du roman, aussi un happy end, consacre à nouveau le personnage féminin qui retrouve le bonheur dans les bras de Markus.
À l’opposé, le roman Les cœurs autonomes a quelque chose de singulier dans le traitement du personnage féminin. Elle qui n’a pas de prénom est une sorte de paumée qui erre à la fac sans vraiment de but. Elle c’est en fait Florence Rey personnage qui a fait la une en 1994 avec son amant Aubry Maupin tous deux impliqués dans le meurtre de quatre personnes. David Foenkinos focalise son regard sur la jeune femme. On suit son évolution de la rencontre avec l’amant jusqu’à leur séparation provoquée par la mort de ce dernier. Personnage fragile, faillible, complètement fascinée par un homme fanatisé qui s’enfonce progressivement dans la folie. Elle semble sans épaisseur et soudain la fin du roman laisse découvrir une force que l’on avait déjà soupçonnée furtivement dans les pages précédentes. En effet, elle semble dominer l’action alors que jusqu’à présent on avait la sensation qu’elle subissait et obéissait (quelques exemples : la varappe, le ski ) À la fin du roman elle existe clairement et totalement. Peut-être est-ce un point commun qu’elle partage avec Claire et Nathalie. Mais pour le reste elle reste très différente car même si le roman concentre son attention sur le couple infernal, «Elle » se démarque des deux autres personnages dans le sens où on voit écrasée voire médiocre. Son existence n’a de sens que par rapport à son amant ou bien à l’acte final qui la consacre comme une meurtrière.
Peut être point commun car elle consacrée dans la mort alors que les deux autres consacrées dans le couple.
Nathalie Malpelli, juillet 2017


 
 
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Présentation faite par Manue Marchetti de sa lecture de deux œuvres de David Foenkinos, La Délicatesse (2009) ; Je vais mieux (2013)
Le personnage masculin : un être banal, médiocre ou en quête ?
 

Ces deux romans mettent en scène des personnages masculins dont la banalité interpelle. Et c’est peut-être là ce que l’on doit remarquer dans l’œuvre de David Foenkinos : cette capacité à rendre intéressant un être très commun, voire médiocre. Ainsi, que ce soit Markus, héros dont l’apparition est retardée dans La Délicatesse, ou le narrateur de Je vais mieux, nous découvrons des hommes sensibles, torturés, « délicats » en somme…
Qui sont-ils ces hommes fragiles ? Le premier est présenté comme « un homme ponctuel, [qui] aimait rentrer chez lui à sept heures quinze précises. Il connaissait les horaires du RER comme d’autres connaissent les parfums préférés de leur femme… ». Le second semble découvrir la vie à travers un mal de dos qui ne le quittera plus et le forcera à s’interroger sur le sens de son existence, sorte de deuxième naissance, un enfantement qui va se faire dans la douleur… Ainsi, chacun de ces personnages est marqué par une banalité déconcertante, qui masque à peine la lâcheté des protagonistes. Lâcheté, ou incapacité à vivre dans un monde qui oppresse, ce monde contemporain qui ne laisse pas de place à la « délicatesse »… Et puis, nous découvrons, progressivement, des personnages qui se cherchent, qui apprennent, des personnages « en devenir ». Le héros se dessine, lutte, dans un monde qui ne l’accepte pas tel qu’il est. Alors, il va se faire une place. Le récit avance et impose un bouleversement de l’ordre établi au préalable : Markus est un petit employé insignifiant, le narrateur de Je vais mieux est, lui aussi, employé dans un cabinet d’architectes. Tous deux vont apprendre à s’affirmer et tenter d’accéder au bonheur d’une existence qu’ils vont choisir. Chacun sa quête… Nathalie pour Markus, la liberté pour notre narrateur hypocondriaque.
Nous découvrons ces personnages en même temps qu’ils s’accomplissent, c’est-à-dire qu’ils se révèlent. Leur grandeur s’impose alors, sorte de sagesse et de philosophie de la béatitude. Au départ « empêtrés » dans leur vie (complexes et maladresse pour l’un, mal de dos rempli de sens pour l’autre), ils avancent et se construisent, tout au moins se reconstruisent. Parcours du combattant que l’auteur nous livre, non sans un certain humour. Ainsi, chacune des deux œuvres est le récit de la révélation de deux êtres en mal de plénitude. David Foenkinos fait preuve d’un sens de la formule qui nous fait croire à une écriture légère, mais qui donne à ses personnages une réelle profondeur. De là la dimension amusante du récit, qui, pour autant, ne perd rien de son épaisseur philosophique, poétique parfois
Manue Marchetti

 
 


 
 
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Présentation par Janine Vittori de la biographie de Charlotte Salomon et de deux de ses œuvres
 
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Musanostra vient de recevoir David Foenkinos. L’auteur a répondu aux questions sur son oeuvre  avec un humour proche de l’auto dérision. Mais à l’évocation du roman  Charlotte  le ton est devenu plus grave. L’émotion de Foenkinos est devenue palpable car vie a été bouleversée par la rencontre avec l’artiste disparue à Auschwitz. Trois ans après la parution de son roman, Charlotte continue à le hanter.

Charlotte Salomon est née à Berlin le 16 Avril 1917. Au moment de sa naissance la Grande Guerre   dure encore. C’est la guerre justement qui va permettre la rencontre de ses parents. Albert Salomon est chirurgien. Franziska Grunwald s’est engagée comme infirmière pour échapper au chagrin d’avoir perdu sa jeune sœur en 1913.
Les deux jeunes gens sont issus de familles de la bourgeoisie juive de Berlin. Ils s’installent dans le quartier de Charlottenburg,dans un appartement élégant.
Franziska est musicienne et la petite Charlotte est bercée de sonates et de cantates.
Lorsque Charlotte a huit ans sa mère meurt. On dit à la fillette qu’elle a été emportée pas une « forte grippe ».
En 1933 Albert Salomon épouse Paula Lindberg, une cantatrice de grand talent. Charlotte éprouve une véritable vénération pour elle.
Cette même année la vie des juifs d’Allemagne prend un tour dramatique. Un concert de Paula est brutalement interrompu par les nazis. Bientôt elle ne pourra plus se produire dans les théâtres publics. Albert lui aussi se verra contraint de quitter son poste à la faculté de médecine et d’ abandonner ses recherches .
Charlotte vit son adolescence sous le nazisme. Elle quitte le lycée un an avant le baccalauréat: les nouvelles lois sont terribles pour les juifs. Cependant, grâce à ses brillantes dispositions, elle est acceptée à l’Académie des Beaux-arts. C’est la seule élève juive. Elle aime Chagall, Emil Nolde, Otto Dix et Kirchner: tous les peintres interdits par le nouveau régime. En 1938 la situation se détériore encore.Il lui faut renoncer à ses études d’art.
Alors en 1939 Charlotte, qui n’est pas encore majeure et peut encore s’échapper, quitte son pays la mort dans l’âme. Son père, qui a été interné puis miraculeusement libéré, et Paula arrivent à la convaincre de rejoindre ses grands-parents maternels réfugiés sur la Côte d’Azur.
Charlotte apprécie beaucoup les parents de sa mère. Elle a fait de nombreux voyages avec eux; ils sont très cultivés, amateurs d’art et d’archéologie. Au moment où  elle les retrouve à Villefranche dans la maison d’Ottilie Moore, une riche américaine, elle ne les reconnaît pas. Elle  se rend bien vite compte qu’ils sont devenus des vieillards. Ils ont toujours protégé leur petite-fille mais à présent les rôles sont inversés. Charlotte devient l’infirmière de sa grand-mère, anéantie par la déclaration de la guerre et par des chagrins anciens dont la jeune-fille ignore tout. Malgré la surveillance attentive de Charlotte la grand-mère met fin à sa vie.
Charlotte est désespérée ; d’autant plus que le suicide provoque une terrible révélation que, sans ménagement, le grand-père fait à sa petite -fille.
Charlotte sait maintenant que sa grand-mère n’est pas la première de la famille maternelle à avoir mis fin à ses jours. En 1913 la jeune sœur de sa mère, dont elle porte le prénom, s’est précipitée dans les eaux glacées d’une rivière. Treize ans plus tard Franziska s’est défenestrée; on lui a donc menti en parlant de « forte grippe ». Et treize ans plus tard, funeste répétition, la grand-mère saute du toit de l’écurie.
Une malédiction semble frapper cette famille car ces trois mortes appartiennent à un long cortège familial de suicidés.
Charlotte est la seule survivante. Elle croit devenir folle et se demande si elle doit aussi attenter à sa vie. Au fond d’elle même elle ressent «  la même prédisposition au désespoir et à la mort ».
Et sa vie  devient de plus en plus tragique . Elle est internée, avec son grand-père sénile, au camp de Gurs dans les Pyrénées. L’état physique et mental du vieil homme les fait libérer et, après bien des épreuves,  ils reviennent sur la Côte-d-Azur.
Charlotte comprend qu’elle a une mission. Elle entreprend une oeuvre à la fois picturale, littéraire et musicale. Entre 1940 et 1942 elle réalise 1325 gouaches. Elle en sélectionne 769 qu’elle numérote et qu’elle accompagne de textes écrits sur calque.
Cette oeuvre c’est «  Vie? Ou théâtre ? » qu’elle qualifie d’ « opérette aux trois couleurs ».
Elle y retrace sa vie sous la forme d’un storyboard dans lequel le personnage principal porte son prénom. La coïncidence entre sa vie et celle de son double pictural et littéraire est très grande.
En 42 son oeuvre est terminée. Elle la dédie à Ottilie Moore et la confie au docteur Moridis en déclarant « Prenez en soin. C’est toute ma vie ».
En Septembre 43 Charlotte est mariée avec un réfugié juif allemand. Elle est enceinte de cinq mois quand elle est dénoncée. La Gestapo vient l’arrêter. Elle est conduite avec son mari à Drancy et de là, avec un millier d’autres juifs, à Auschwitz.
Charlotte périt dans la chambre à gaz dès son arrivée au camp.
Son oeuvre a survécu. Conservée au Joods Historisch Muséum d’Amsterdam elle a fait l’objet de nombreuses expositions.
Mais c’est certainement le roman de David Foenkinos qui a révélé au public la puissance de sa création. Son hommage émouvant  l’a rendue familière et vivante.

Janine Vittori
IMG_20170721_183431_resized_20170724_124536031participation Manuelle Marchetti

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Après ce moment littéraire de qualité, les participants ont pu admirer les œuvres de l’artiste Laurent Silvani et échanger autour d’un apéritif généreusement offert par la famille Suzzoni.
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L’artiste Laurent Silvani au Clos Culombu


 
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