Article – Marie-Anne Perfettini revient sur le livre de Riss, Une minute quarante-neuf secondes, publié aux éditions Actes sud. Dans ce livre, l’auteur évoque les événements de janvier 2015 au cours desquels deux hommes lourdement armés ont pénétré dans la rédaction de Charlie Hebdo dans le but d’assassiner les responsables du journal satirique.

Une minute quarante-neuf secondes, c’est le temps qu’il a fallu aux assassins de Charlie Hebdo pour accomplir leur méfait. Une minute quarante-neuf secondes, c’est court et c’est horriblement long quand on est allongé avec une balle dans l’épaule et qu’on fait le mort en espérant que ces barbares passent sans nous voir. Une minute quarante-neuf secondes qui ont transformé sa vie et pris celle de ses amis ! Riss, directeur de Charlie Hebdo depuis la disparition de Charb, livre enfin, quatre ans après la tragédie, son récit des événements.Il raconte ainsi la minute quarante-neuf secondes qu’a duré l’attaque mais surtout évoque les origines et la remise en marche de son journal.

La liberté d’expression oui, MAIS … et ce mais est intolérable dans une démocratie !

Ce témoignage est âpre, dur ; on sent toute la colère de cet homme meurtri qui, non seulement, pleure ses compagnons mais surtout crie sa haine de tous ceux qui sont directement ou indirectement responsables de cette tuerie qu’il qualifie d’assassinat politique. En effet, contrairement au 11 septembre ou aux attentats aveugles de novembre 2015, les terroristes n’ont pas frappé au hasard mais ont visé clairement des journalistes pour les faire taire. Il explique donc comment la lâcheté de bon nombre de ses confrères a mis sur le devant de la scène médiatique ce journal satirique dont le but premier était d’amuser quelques lecteurs (le tirage de Charlie était en réalité des plus confidentiels) et surtout ses concepteurs. Il en veut à ceux qui ont reculé devant la vindicte des extrémistes lorsque les caricatures de Mahomet sont sorties en 2006 ; selon lui, si tous les journaux les avaient publiées, rien ne serait arrivé. Mais au nom d’un pseudo respect des convictions de chacun, ils ont attisé la haine et montré qu’en criant bien fort, on peut faire admettre l’inacceptable : la liberté d’expression oui, MAIS … et ce mais est intolérable dans une démocratie !

Son livre est aussi l’autobiographie d’un dessinateur de presse. Il dit comment et pourquoi on le devient

Son livre est aussi l’autobiographie d’un dessinateur de presse. Il dit comment et pourquoi on le devient. Pour cela, il fait des aller-retours entre sa jeunesse et sa vie à Charlie. Il explique les enjeux réels de ce métier que certains considèrent comme trop léger et que d’autres qui en évaluent l’impact,tentent de museler. Il émaille son récit de courts chapitres dans lesquels il dresse le portrait de chacun de ses amis assassinés. Mais, il fustige aussi ceux qu’il considère au mieux comme des déserteurs, au pire comme d’infâmes profiteurs qui ont voulu leur part de l’argent reçu en soutien après l’attentat. Ce livre met mal à l’aise. Cette colère, on la comprend, mais elle est tellement teintée d’amertume. Riss aura sans doute du mal à se reconstruire, comme les autres rescapés de la tuerie qui ont écrit sur leur terrible expérience.


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