Londres, 1946. Une jeune romancière, reçoit une lettre de la part d’un membre d’un obscur cercle littéraire de Guernesey. Un savoureux roman épistolaire, écrit à quatre mains.

Par : Agnès Ancel


Mary Ann Shaffer nous livre ici son premier et aussi son dernier roman. Tout comme Margaret Mitchell avec « Autant en emporte le vent » ; ou encore Emily Brontë et « Les Hauts de Hurlevent ». Mary Ann Shaffer écrira une œuvre unique et magique, dans laquelle on s’immerge avec passion. Née en 1934 et décédée en 2008, elle en finalisera l’écriture avec sa nièce, Annie Barrows, écrivaine de livres pour enfants.

Ce roman épistolaire est une correspondance pudique et bienveillante, principalement entre Juliet Ashton journaliste et écrivaine, Sydney son éditeur et sa sœur Sophie. Ainsi qu’avec les membres du cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates de Guernesey. Nous rencontrerons ainsi des personnages hauts en couleur, comme Dawsey, homme solitaire au grand coeur, puis Isola et ses élixirs, sans oublier Élizabeth dont l’aura mystérieuse éclaire les membres de sa douce présence, malgré la douleur de son absence.

Un écho dans chaque missive

Ce roman se déroule après la Seconde Guerre mondiale. Mais le bruit des bottes des soldats allemands résonne encore puissamment en écho dans chaque missive. Toile de fond d’une histoire tragique, les membres racontent leurs souffrances, la peur sous-jacente, la solidarité et l’amitié, qui leur permet de rire et d’espérer encore.           

Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates est né par hasard, un soir de couvre-feu. Charles Lamb, Jane Austen ou encore Oscar Wilde s’inviteront à leur table et sublimeront l’imagination de ses membres. Et étrange paradoxe, cette richesse culturelle offerte à des âmes rudes plus enclines aux travaux de la terre qu’à la lecture, les aidera à supporter les épreuves de la guerre.

Juliet correspond donc assidûment avec les habitants de l’île. Ils lui ouvrent leurs cœurs, lui relatent leur vie, leurs joies et leurs peines. Ils lui parlent d’Élizabeth et aiguisent sa curiosité. Et petit à petit un lien spirituel se crée entre eux. Elle ne les connaît pas mais ressent le besoin irrépressible de mettre un visage sur leurs noms, d’entendre leurs voix et de les rencontrer.

À la découverte de regards inconnus

C’est ainsi qu’un jour elle partira à la découverte de ces regards inconnus cachés derrière les mots et rencontrera Kit, la fille d’Élizabeth.  

Ce livre à la fois fort et poignant, nous rappelle combien la liberté est fragile. Il réveille en nous des peurs enfouies mais libère aussi des sentiments plus profonds. Il nous invite à ne pas laisser la haine envahir nos cœurs, nous parle de cet amour inconditionnel qui se défie des hommes et de leurs lois, et nous rappelle également que l’amour n’a pas de frontières.

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Pour terminer je citerai quelques pensées d’auteurs qui jalonnent ce roman de leur invisible présence.   
Jane Austen fait dire à Darcy la plus belle des déclarations d’amour :

« En vain ai-je lutté. Rien n’y fait. Je ne puis réprimer mes sentiments. Laissez-moi vous dire l’ardeur avec laquelle je vous admire et je vous aime ».

 
Et le mot de la fin revient à Charles Lamb, poète à l’origine des correspondances entre Juliet et Dawsey :

« J’aime me perdre dans les pensées d’autres hommes. Quand je ne marche pas, je lis, je ne peux m’asseoir et penser. Les livres pensent pour moi ».

        
Douce lecture à vous !

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