par Lionel Sisti
 

Léo Ferré, c’est plus de quarante ans de chansons, de poésie, de musique, et pour le grand public deux titres passés à la postérité : « Avec le temps » et « C’est extra ».

Souvenez-vous : « 69 année érotique ». En 1968, Claude François chante « Comme d’habitude », mais l’année suivante, ce n’est plus « je me lève et je te bouscule », plutôt, « je me lève et je te bascule ».
En écho au mouvement de Mai, l’année 69 est inondée de chansons dont le texte plus cru, même s’il est parfois métaphorique (Il faut échapper à la censure.) rompt avec la pudibonderie alors régnante. En 1969, ou peu après, nous entendrons Johnny Hallyday chanter « Que je t’aime », Serge Gainsbourg et Jane Birkin « Je t’aime, moi non plus », Michel Polnareff « L’amour avec toi »,…Mais cette année là, le plus bel hymne au désir sexuel sera « C’est extra » de Léo Ferré.
Sur un 45 tours, extrait de l’album « L’été 68 », en face A, il y a « La nuit » et en face B « C’est extra ». En face B, car cette chanson tranche dans l’œuvre de ferré, « ça pourrait faire un tube, mais chanté par Ferré… ». Cette chanson, elle avait quekchose de « vendue au système ». Oui, mais voilà, cette face B va devenir un slow culte. Le poète nihiliste, solitaire et colérique allait être aimé du plus grand nombre comme Cloclo et Hallyday.
Il enregistre ce titre le 7 janvier 1969, et le grave à la gloire des Moody Blues « Nights in white satin ». « Ces Moody blues qui chantent la nuit comme un satin de blanc marié. » A la fin du texte, on lit aussi « Les Moody blues qui s’en balancent. Cet ampli qui n’veut plus rien dire. » Si les Moody Blues s’en balancent, c’est peut-être parce que Léo Ferré ne put collaborer avec ces derniers comme il l’avait souhaité. Il s’est quand même fait photographier avec eux. Il jouera avec le groupe Zoo et ce sera extra. (Qui se souvient de Zoo ?)
On danse donc l’été 69 des slows et on drague avec ardeur sur « C’est extra ». C’est une chanson commerciale, certes, mais néanmoins du grand Ferré. De quoi est-il question dans ce texte ?
Au début, il y a une fille qui tangue comme un matelot sur un air anglais, « sur ce jazz qui jazze dans le noir ». (Les Moody Blues, ce n’est pas du jazz, ce n’est pas grave, c’est extra quand même.) « Et dans le port de cette nuit », soudain la lumière et les couleurs, « ces mains qui jouent de l’arc-en-ciel sur la guitare de la vie, et puis ces cris qui montent au ciel, comme une cigarette qui prie », ou comme « une fille qui tangue et vient mouiller », jouir, mourir dans la musique du silence, non pas nue, mais habillée de musique, « ses bas qui tiennent haut perchés », « ses cheveux qui tombent comme le soir », « d’la musique en bas des reins », et, « sous le voile à peine clos, cette touffe de noir jésus qui ruisselle dans son berceau ».
Un matin gris succède à la nuit, « et dans la musique du silence », si elle tangue encore, c’est de plaisir et de fatigue. Et c’est extra ! Non ?

 
 
 

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