La riche œuvre de Cervantes
Parce que le sujet « Don Quichotte » est vaste, il est indispensable de limiter ses ambitions à quelques brefs aspects d’une œuvre qui peut représenter le travail d’une vie pour qui veut s’y consacrer à l’instar de Jean Canavaggio, l’éminent spécialiste de Cervantes.
Les thèmes abordés sont les dangers de la fiction littéraire jusqu’à en perdre la raison, l’écrivain créateur du monde, le couple de héros, la transfiguration du monde, la folie, l’amour, l’humour, le pouvoir des mots, de l’écrivain etc.
Don Quichotte, personnage épique ?
Allons au fait, un beau jour Don Quichotte, modeste hidalgo, de petite noblesse et grands principes, « possédé » par la lecture excessive de romans de chevalerie, décide de parcourir le monde pour remplir sa mission : sauver les demoiselles en détresse, redresser les torts, bref, combattre les méchants comme le font ces parangons de vertu que sont ses héros, les chevaliers errants.
Pour cela, il lui faut retrouver dans sa réalité les attributs fictionnels de son inspiration
Un destrier : son cheval, aussi vieux et efflanqué que lui, fera bien l’affaire. Tout à la création de son monde chevaleresque, il le baptise Rossinante.
Un écuyer : son voisin laboureur, Sancho Panza, petit, rond, abandonne femme et enfant pour se mettre à son service, juché sur son petit âne. Don Quichotte ne lui a-t-il pas promis un royaume !
La femme aimée : bien sûr, celle pour qui désormais il vaincra les géants et autres créatures fantastiques. Une forte paysanne dotée d’une belle pilosité, qu’il baptisera Dulcinée du Toboso deviendra donc sa dame de cœur.
Il se battra pour elle, jusqu’à la mort s’il le faut car il possède un adjuvant et pas des moindres : la potion de « Fierabras », une panacée qu’Il a confectionnée selon une approximative recette inspirée de ses lectures chevaleresques.
Son fidèle écuyer, Sancho, est informé de la conduite à tenir ainsi que de la posologie du remède s’il advenait qu’il dût lui venir en aide :
« Si dans la bataille, mon corps venait à être coupé en deux, rajuste promptement les deux moitiés et fais-moi avaler deux gorgées de ce breuvage, lui recommande-t-il, tu me retrouveras aussitôt aussi frais qu’un gardon ».
Le voici donc prêt à affronter le monde des méchants, des magiciens, des brigands. A son nom, désormais, toute canaille tremblera.
Que nous dit Don Quichotte ?
Ce personnage, ce fou, cet homme… D’où tient-il ce pouvoir d’émouvoir, de divertir, de faire rêver, rire et pleurer ? Que nous dit-il de son créateur, Cervantes, de son époque et surtout de la part du Quichotte que chacun de nous reconnait en soi.
Enfin, quelle est la part de cette Espagne très pieuse pour laquelle la vie est une vallée de larmes quand mourir est le commencement de la vraie vie ? La foi qui sauve l’homme.
Le rire, la folie, l’humanité, l’exaltation, le disputent au pathos tout au long de l’œuvre.
Don Quichotte vit dans le mythique théâtre d’ombres, il le sait et l’admet « j’ai vécu fou et je meurs sage ». Un nouveau départ pour un nouveau commencement.
Ce texte n’est pas de Cervantes , et pourtant …
Souvent attribué à tort à Cervantes, le poème suivant est de Corrado D’Elia, grand metteur en scène italien contemporain, qui a mis en scène son Don Quichotte et a rendu un magnifique hommage aux rêveurs, aux Don Quichotte que nous sommes et …aux comédiens.
Corrado D’Elia – A tutti gli illusi
A tutti gli illusi, a quelli che parlano al vento.
Ai pazzi per amore, ai visionari,
a coloro che darebbero la vita per realizzare un sogno.
Ai reietti, ai respinti, agli esclusi. Ai folli veri o presunti.
Agli uomini di cuore,
a coloro che si ostinano a credere nel sentimento puro.
A tutti quelli che ancora si commuovono.
Un omaggio ai grandi slanci, alle idee e ai sogni.
A chi non si arrende mai, a chi viene deriso e giudicato.
Ai poeti del quotidiano.
Ai “vincibili” dunque, e anche
agli sconfitti che sono pronti a risorgere e a combattere di nuovo.
Agli eroi dimenticati e ai vagabondi.
A chi dopo aver combattuto e perso per i propri ideali,
ancora si sente invincibile.
A chi non ha paura di dire quello che pensa.
A chi ha fatto il giro del mondo e a chi un giorno lo farà.
A chi non vuol distinguere tra realtà e finzione.
A tutti i cavalieri erranti.
In qualche modo, forse è giusto e ci sta bene…
a tutti i teatranti.
Da « Don Chisciotte. Diario intimo di un sognatore » (Ispirato al poema di Miguel de Cervantes « Il Don Chisciotte della Mancia »)
Corrado D’Elia – À tous les rêveurs
A tous les égarés, à ceux qui parlent au vent.
Aux fous d’amour, aux visionnaires,
A qui donnerait sa vie pour que son rêve prenne corps.
Aux rejetés, aux exclus. Aux imbéciles réels ou supposés.
Aux hommes de cœur,
A ceux qui s’obstinent à croire au sentiment pur
A tous ceux qui s’émeuvent encore.
Un hommage aux grands élans, aux idées et aux rêves.
A ceux qui n’abandonnent jamais, à ceux qui sont moqués et jugés.
Aux poètes du quotidien.
Aux « gagnants » donc, et aussi
Aux vaincus qui sont prêts à se relever et à se battre encore
Aux héros oubliés et aux vagabonds.
A ceux qui, après avoir combattu pour leurs idéaux, après avoir perdu,
Se sentent encore invincibles.
A ceux qui n’ont pas peur de dire ce qu’ils pensent.
A ceux qui ont fait le tour du monde et à ceux qui le feront un jour.
A ceux qui ne veulent pas faire la distinction entre réalité et fiction.
A tous les chevaliers errants.
D’une certaine manière, c’est peut-être vrai et cela nous ressemble …
A tous les comédiens.
Janie Bereni
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