Finaliste du prix RTL-Lire en 2015, Évariste est le deuxième ouvrage mais le premier roman de François-Henri Désérable. L’auteur y redonne vie au « Rimbaud des mathématiques », Évariste Galois.
Par : Caroline Vialle
Dès les premières pages on retrouve l’enthousiasme. Le travail de recherche. La curiosité. L’humour. Le talent narratif. Dès les premières pages on retrouve tout ce qui fait la qualité des livres de FHD.
Et si Évariste est son premier roman, paru après le recueil de nouvelles « Tu montreras ma tête au peuple » quelques années plus tôt, pour avoir lu ses articles, écouté ses podcasts, lu ses romans suivants, je m’aperçois que FHD est un écrivain fidèle à lui-même, ne cédant pas au succès, mais au contraire avide et soucieux de toujours faire aussi bien que précédemment, et même mieux si cela est possible. Sans sacrifier à son style. Cette touche un peu décalée par rapport à l’histoire, parce qu’il aime l’Histoire, et dans l’Histoire et ses histoires, il aime surtout les personnages. Certains le touchent plus que d’autres, on ne sait pourquoi. Il a envie de les fouiller, les comprendre de l’intérieur, les mettre à nu, les disséquer. Dans Évariste, FHD aime l’histoire des mathématiques. Et le personnage de cette histoire sera E. Galois.
Quoique FHD nous raconte, cela frémit au plus près de l’homme, nul n’est assez élevé pour qu’il n’arrive pas tout de même à le raconter dans sa chair, dans ses soubresauts d’être humain que nous avons tous, même les plus glorieux d’entre nous. Il les perce à jour, se délecte de leurs qualités autant que de leurs défauts.
"Polytechnique 1828-1829 l’année se joua sans lui. En conçut il de l’amertume ? Sans doute. Rumina t’il cet échec ? Très certainement. On présume qu’il avait de l’orgueil et que cet orgueil en souffrit. "
Un peu plus loin…
"...chemises blanches sous quoi le poil frémit, pour l’un de fierté et pour l’autre d’ambitions démesurées...".
Le vrai et le supputé
Lire FHD c’est toujours lire un pan d’Histoire revu à travers ses recherches mais aussi ses hypothèses qu’il partage avec nous. Entre le lecteur et l’histoire il y a l’auteur. Il ne se fait pas oublier, il est là, il nous parle, lui qui ne peut plus parler à ses personnages historiques. Ce qu’il sait être vrai il l’écrit, ce qu’il suppute, il l’écrit aussi. Parfois même propose plusieurs écritures aux blancs qui s’intercalent entre les pans d’Histoire, et qu’il faut bien remplir, puisque une fois commencée l’histoire, il faut la finir. Tout est clair, tout est dit, le vrai et le supputé. Les mots frappent pour obtenir des tableaux de scène de vie d’une intensité mordante :
"Peut-être qu'il le vit le cortège d'ombre et d'infamie s'agiter dans Paris qui s'éveille, sous un porche une vieille putain vérolée, du foutre séché sur les lèvres, compte les pièces de ses passes, un salaire de misère pour une vie de misère, au coin d'une rue un mendiant accroupi sur ses jambes décharnées, deux bâtons couverts de guenilles.... adossée contre un mur une fille encore jeune le sein racorni allaiter un nouveau-né bientôt mort, silencieux comme la mort et annonciatrice de la mort la peau du visage qui déjà vire au bleu..."
Pour dire la vie, ou la mort, qui est encore la vie, FHD n’a peur de rien et vous décrit ce qu’il voit et ce qu’il pense comme si vous preniez tous les deux votre café matinal au bar du quartier, engloutissant le premier croissant et vous racontant les dernières nouvelles.
À lire aussi : Tu montreras ma tête au peuple de F.-H. Désérable
Leur rendre ce qui est leur dû
Un style bien à lui, qui s’affirme et s’affine, et qui enrichit tout autant le lecteur que son statut d’auteur. Mais peut-être bien que l’enrichissement va aussi et avant tout à ses personnages choisis avec passion, peu connus du grand public et qui bénéficient de la curiosité de FHD, et dès lors de ses mots, de son travail de recherches et de cette volonté farouche de leur rendre ce qui leur est dû. Et cette fois-ci, c’est bien le génie mathématique du jeune E. Galois qui en profite et par là même récupère une notoriété écorchée par une mort prématurée.
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