Prix Renaudot 2020, Marie-Hélène Lafon présente avec Histoire du Fils, une fresque familiale dense, qui questionne les secrets de famille et la quête du père.
Par : Audrey Acquaviva
Le roman Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon, paru aux éditions Buchet Chastel, a obtenu le prix Renaudot 2020.
Il est un double hommage à la nature et la langue. Au fil des pages, il se mue en une quête de soi, à travers le portrait d’une famille qui court sur tout le XIXe siècle. Le roman, qui débute dans le Lot, est une ode à la nature, faune et flore réunies. En effet, les personnages ont une part d’animalité marquée ; souvent oubliée par la vie citadine en raison du déracinement.
Ainsi, dans le premier chapitre, Armand, un enfant de quatre ans ; pas encore tout à fait policé, associe les différents membres de sa famille à une odeur. De même que les images utilisées par le narrateur pour esquisser les personnages. Images issues de la terre, aussi pragmatiques que poétiques. Des images naïves et magnifiques qui montrent au lecteur l’unicité entre l’homme et la nature.
Marie-Hélène Lafon n’oublie pas pour autant d’évoquer ceux qui s’éloignent d’elle comme la belle et indomptable Gabrielle. Puis Georges devenu docteur, ou même Paul, l’avocat. Le roman propose aussi un travail très intéressant sur le langage, par le biais notamment de certains personnages qui s’approprient et déforment les expressions françaises. Ce qui les singularise, à l’image de Sylvia, femme engagée et libre ; ou encore de Paul, encore écolier, qui envie la signification du prénom d’un camarade, André. Et également celui de son plus jeune frère, Georges.
Au fil des pages, ce roman choral apparaît comme l’histoire d’André, dont le père ignore l’existence. Et, plus largement, comme le portrait de sa famille qui se dessine par étapes successives, comme autant de coups de crayon. Les époques et les personnages se mêlent, sans que jamais le lecteur ne se perde. Cela grâce à un fort ancrage temporel. En effet, le récit évoque les aïeux de sang et de cœur. Les parents, les oncles, tantes et neveux, l’épouse et les enfants. Sans aucun jugement, jouant tour à tour la proximité ou la distance. Le narrateur embrasse ces différents destins, en prenant soin de les particulariser.
La quête du père
On y trouve tout à la fois, des drames et des mouvements vers la liberté. Mais aussi, des amours clandestines ou interdites. Des mariages d’amour, des départs, des retours réguliers. De même que des rencontres et des rendez-vous manqués. Toute sa vie durant, il manquera à André cette part paternelle, lui qui porte le nom de sa mère. Et ce, malgré l’amour qu’il a reçu des siens et sa propension naturelle au bonheur. Quelque chose le freine : il n’interrogera pourtant jamais sa mère ; ni n’osera franchir la dernière étape qui aurait pu les réunir son père et lui, le moment venu. Et cette part manquante, c’est son fils Antoine qui ira la chercher.
On pourrait rapprocher Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon et La Part du fils de Coatalem qui n’ont pas que le mot « fils » comme point commun. En effet, ces deux romans courent sur le vingtième siècle et traitent de la quête du père, figure absente. Et de la réappropriation de l’histoire familiale par un petit fils. Dans le Coatalem, le fils vit la disparition du père comme une déflagration. Tandis que dans le Lafon, l’absence du père est un vide non comblé. Dans les deux cas, le mot « petit-fils » aurait pu remplacer « fils ».
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