ARTICLE – Audrey Acquaviva présente La part du fils, de Jean-Luc Coatelem paru aux éditions Stock
Une enquête
La part du fils, roman de Jean-Luc Coatelem aux éditions Stock, dépasse les cadres temporel, spatial et identitaire à travers une enquête et une dualité, aboutissant à une unité, voire un apaisement. Des quelques bribes glanées sur un secret de famille, plus précisément une tragédie familiale, le roman se déploie en une véritable investigation. Tout y est. Un enquêteur, un disparu, des indices, des documents et dossiers longtemps compulsés, des refus de confrontation, de nombreux silences. Le narrateur, indice après indice, sans relâche, comble le vide de l’histoire familiale causé par la disparition de son grand-père paternel Poal.
Très vite, le lecteur se rend compte qu’il y a deux personnages principaux. Le premier est le narrateur qui se met en scène dans son enquête et qui, chose étonnante, n’est jamais nommé, comme pour laisser plus de place au second, le grand-père disparu qui , page après page, sort un peu plus non de l’oubli mais du silence.
Un double voyage
A travers cette enquête nous est proposé un double voyage. Tout débute par un paysage breton, mêlant présent et enfance. Très vite, ces rivages s’éloignent pour l’Indochine, l’Algérie, l’Allemagne, les Etats-Unis et même la Lune. Les époques alternent. Le présent du narrateur se met en scène au cours de son enquête comme dans les grands romans d’investigation et le passé dans lequel évolue son grand-père. Et là, le narrateur s’autorise toutes les libertés. Mariant les faits et la fiction, il invite à Paol à surgir de l’obscurité, à s’incarner. Le lecteur sent que la fiction permet au narrateur de rendre son histoire au disparu mais aussi sa présence, ses mots, son regard, sa voix. Il veut approcher le plus près possible des faits, y plonger quand il imagine les pensées de son grand-père, s’autorisant même à créer d’autres possibles pour cet homme au destin fauché. C’est bouleversant.
Une vie dans l’histoire
Cette investigation se rapproche du roman historique tant le destin de Paol est lié à l’histoire de la première partie du vingtième siècle. La France des colonies, la France en temps de guerre, la France occupée, l’Allemagne , les camps. Le récit parfois picaresque permet de supporter quelques passages terribles et toujours le lecteur se sent projeter au cœur de l’Histoire.
Avec la résolution de l’énigme, le vide se comble et le narrateur aboutit à une unification. Il sait bien qu’il a endossé le rôle qu’aurait dû tenir en toute logique son père. Mais comment ce dernier qui s’est construit sur la douleur aurait-il pu entreprendre cette quête ?
On retrouve dans cette oeuvre les codes de l’autofiction mais tout en pudeur. Ainsi le nom de famille tarde-t-il à apparaître.
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Jean-Luc Coatelem, La Part du fils, Paris, Stock, 2019
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