Hervé Cheuzeville présente Le Fleuve guillotine d’Antoine de Meaux publié aux éditions Phébus.
En décembre 2014, j’avais écrit un article intitulé « Pro Rege et Fede », relatant les terribles évènements qui se déroulèrent dans le Forez et dans le Lyonnais en 1793 et 1794. Puis, en novembre 2014, je me rendis à Feurs, petite ville de la plaine du Forez, afin d’assister à la messe célébrée chaque année à la Chapelle des Martyrs, en mémoire des victimes de l’infâme Claude Javogue, l’envoyé de la Convention, celui qui devait déclarer sans frémir « Je savourerais avec délices le plaisir de faire guillotiner tous ces aristocrates, muscadins, prêtres, négociants et accapareurs qui vantent leur patriotisme ; je ne reconnais pour vrais patriotes que ceux qui, comme moi, dénonceraient au besoin leur père, leur mère et leurs sœurs et boirais sous l’échafaud un verre de leur sang. La véritable religion, c’est la mort des aristocrates, la seule divinité d’un bon républicain, c’est la guillotine ». Cela me donna l’occasion d’écrire un nouvel article sur le sujet, intitulé « Commémoration des martyrs foréziens ». Durant ce séjour dans la Loire, je me rendis également à Saint-Etienne, où je participais à une émission de RCF. C’est dans le studio de cette radio que je découvris un roman dont j’ignorais jusque-là l’existence : « Le Fleuve guillotine », le premier roman d’Antoine de Meaux. Je me suis empressé de le lire. Il s’agit d’un roman historique dont l’action débute à Paris le 10 août 1792 juste avant l’attaque des Tuileries, avant de se dérouler principalement dans le Forez et le Lyonnais, durant la tragique période de la Terreur. Les personnages sont les protagonistes des évènements qui ensanglantèrent la région. L’auteur décrit les déchirements familiaux causés par cette véritable guerre civile. Le long siège de Lyon et les souffrances qu’il engendra y sont particulièrement bien décrits. Les personnages du roman sont, pour la plupart, issus d’une même famille forézienne. Peut-être sont-ils d’ailleurs inspirés par des membres de la famille de l’auteur, lui-même descendant d’une des victimes de la Terreur, exécutée à Feurs en 1793. Antoine de Meaux évite le piège du manichéisme : il décrit la réalité de cette cruelle période telle qu’elle fut, sans chercher à glorifier ses héros. Ce livre est la chronique d’un monde qui n’est déjà plus, d’un monde qui est en train de basculer. Le plus grand mérite de l’auteur est d’avoir levé le voile sur ces évènements qui déchirèrent le Lyonnais et le Forez durant la Révolution. Depuis la fin des années 80, le travail accompli par de nombreux historiens a permis de sortir la guerre de Vendée de l’oubli et surtout d’en révéler sa dimension génocidaire. Mais les atrocités commises dans le Rhône et dans la Loire demeurent très largement méconnues de la majorité des Français. Ce roman historique constitue donc une contribution significative à une meilleure connaissance de cette tragique période. Ce roman est fort bien documenté, il est le fruit d’un considérable travail de recherches historiques. « Le Fleuve guillotine » n’est pas un roman facile, il est peuplé d’un grand nombre de personnages, de terribles évènements se bousculent, s’entremêlent, et la période est sombre, très sombre. Mais c’est un roman utile, je dirais même indispensable, pour mieux comprendre ce que fut réellement la Révolution française et l’impact qu’elle eut, en province, sur les gens ordinaires qui la vécurent, qui eurent à la subir. En lisant ce livre, on réalise à quel point cette révolution bouleversa tant de destins, tant de vies. Antoine de Meaux contribue à remiser les images d’Épinal qui, trop longtemps, ont tenu lieu de connaissances historiques pour bon nombre de Français, en ce qui concerne cette période de l’Histoire de France. Enfin, « Le Fleuve Guillotine » est très bien écrit, le style est sobre et clair, les phrases sont courtes, comme je les aime. Un livre à lire, absolument !
Informations utiles
Antoine de Meaux, Le Fleuve guillotine, Paris, Phébus, coll. « Littérature française », 2015, 23 euros.
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