Joris Delavenne plus communément appelé McSkyz, youtubeur populaire et très attendu sur sa chaîne, présente des vidéos d’histoires uniquement basées sur des faits divers réels. Il y dépeint le plus fidèlement possible la réalité des crimes, et l’organisation particulière de ses récits entretient le suspense. Cette année, il prend la plume et continue à alimenter sa communauté avec son premier titre « Tremblez », publié aux éditions Hachette. Investigation et processus de documentation solide, associés à un travail d’écriture intègrent une même ambition : la précision des faits rapportés.
Par : Emma Giannechini
Tremblez est une collection de dix récits d’affaires célèbres ou moins connues, de crimes, de disparitions, élucidés ou non, dans la lignée des histoires contées par Pierre Bellemare, ancien animateur dont le talent a marqué le paysage audiovisuel français. Chaque enquête permet de découvrir des personnages qui ont été au cœur d’un fait divers sinistre. Au fil des pages, ces récits réveillent notre esprit d’investigateur pour tenter de débrouiller les dessous de ces drames.
Des crimes perpétrés en France ou à l’étranger et dont la plupart restent impunis, comme « la disparition de l’enfant soleil » en Californie en 1988, ou « la maison Mausolée de la famille Miyazawa » en 2000 au Japon. Autant de mystères qui, à une certaine époque, n’ont pu être résolus par les sciences, et par les méthodes d’investigation alors mises en œuvre. Ou au contraire, des cas d’incompétence, des blancs laissés par des enquêtes superficielles et bâclées. Certaines lacunes empêchant d’aboutir à la condamnation de ces criminels.
Identifier le coupable
Le livre débute sur le fait divers « la tuerie de Valensole » ; le quintuple meurtre commis dans les Alpes-de-Haute-Provence en décembre 1928, également connu sous le nom de « crime de Courrelys ». Le couple Richaud, Adrien et Antonia âgés de 46 et 41 ans, leurs deux enfants Clément 11 ans et Roger 3 ans, ainsi que leur ouvrier agricole Auguste 51 ans ont été sauvagement assassinés sur leur propriété agricole. Toute une famille décimée par deux tueurs ; leurs corps seront découverts quatre jours plus tard.
« Dans toutes les autres pièces de la ferme, le désordre est à l’avenant : tiroirs ouverts, lits renversés, matelas éventrés. La maison a été fouillée de fond en comble à des endroits stratégiques ».
Dans cette affaire, le lecteur croit identifier le coupable et tenir une issue facile, mais glisse vers une surprise, un imprévu.
Le récit couvre l’enquête, dirigée par la police mobile de Marseille, et le procès. Les deux jeunes coupables caractérisés par un manque d’empathie et de remords, seront arrêtés et jugés. Leur motivation à cet acte prémédité ? S’emparer de la totalité de leurs économies.
À chaque nouvelle histoire, McSkyz aborde ces sujets en nous plongeant dans l’obscurité de ces drames. On prend part au récit du locuteur avec émotion, face à une véritable injustice.
« Pendant tous ces jours de silence, mon cœur voulait la retrouver, mais j’avais l’intuition aussi que quelque chose lui était arrivé » : Déclaration de la maman de Tia, la jeune disparue.
Il déploie des signaux à l’intention du lecteur déjà engagé dans une voie particulière : « l’inconcevable ». Le dispositif est parfaitement réglé pour éveiller la curiosité puis les soupçons du lecteur. Il l’invite, un peu à distance, à décrypter ce drame.
« Elle ne se doute pas le moins du monde qu’elle se jette dans un guet-apens. Alors qu’elle a à peine effleuré le guidon de sa trottinette, d’un coup, le conducteur surgit hors de son véhicule et la saisit d’une poignée de fer (...). Katrina, alertée par le cri d’effroi de son amie, relève la tête (...) Et voit les pieds de Michaela, (…). Le ravisseur la soulève en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, comme une poupée de chiffon ».
« Michaela Garecht vient d’être enlevée en pleine journée sur un parking » le 19 novembre 1988.
Un talent manifeste
Parfois l’auteur fait le choix de présenter son opinion de manière personnelle et permet au lecteur de partager sa vision des faits, ou ses émotions :
« Pour ma part, je ne peux m’empêcher de trouver la similitude entre ce crime du lac Tulialahti et celui du lac Bodom très très troublante (…) Simple coïncidence – Bel exemple de question rhétorique, n’est-ce pas ? ».
« Le 2 mars 1998, le procès de Vincenzo Aiutino s’ouvre enfin devant la cour d’assises (…). Sur les vidéos d’époque que j’ai pu visionner, Vincenzo apparaît rasé de près, bien coiffé, portant une veste en daim. Il arbore une mine satisfaite. Poseur, charmeur. Il semble même scruter une journaliste de France 3, comme s’il voulait la séduire. C’est à peine croyable ! Et il ne perdra rien de sa superbe ».
Le style de la mise en images en noir et blanc est un ajout accrocheur. Un coup de crayon élégant et raffiné, dans le souci du détail et qui ne contraste pas avec la tristesse des histoires. Pari réussi pour Cyndi, l’illustratrice habituelle de McSkyz qui prend part également depuis plusieurs mois à l’illustration de ses vidéos.
Le titre angoissant précipite le futur lecteur dans une ambiance mystérieuse. Et on ne peut échapper à l’appel généré par le rouge et le noir de la couverture. McSkyz prend le parti de raconter pour les curieux du genre, un monde trouble, sombre et inquiétant. Des crimes qui ont marqué et qui marquent encore les esprits. Un livre au registre caractérisé par la fatalité, qui exige une disposition particulière, une approche avisée. Mais qui néanmoins attire un nouveau lectorat et rencontre une adhésion remarquable du public.
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Un travail de recherches
Un talent manifeste, celui de conter, mais aussi un travail de recherches pour son ouvrage.
« J’ai fait mes propres recherches et j’ai constaté avec effroi que, effectivement avant cette date, rien n’est sorti dans la presse concernant cette disparition, pas le moindre article, ni même entrefilet – et quand on sait l’importance du relais médiatique, on ne peut que le regretter amèrement. Il faudra la découverte d’un cadavre et le sensationnalisme de la scène (…) pour que les journalistes se pressent et publient des articles à la chaîne (...). Je suis un peu irrité par ce retard à l’allumage (...) ».
« L’étrange exécution de la famille SHORT reste en tête, voire devient obsédante. Le 15 août 2002, on retrouve Michael et Mary SHORT exécutés d’une balle (…) alors qu’ils étaient tranquillement dans les bras de Morphée (…). Aucun indice, un vrai casse-tête (...) ». « Pour cette affaire, j’ai passé un nombre incalculable d’heures derrière mes trois écrans à croiser les informations ».
Et pour éclairer la lecture, l’auteur a inséré des encadrés explicatifs qui assurent la lisibilité des récits. Ce peut être aussi une clarification par anticipation qui aura soin d’argumenter une analyse avant d’avancer dans la lecture. Mais qui toutefois a le mérite de rappeler cette évidence : Toutes plus sombres les unes que les autres, ces affaires anciennes ou récentes, nous sidèrent. Parce que c’est arrivé !
Pourquoi le narrateur a-t-il choisi ces 10 histoires ? Plusieurs points posent question concernant cette sélection. Aussi bien sur le mobile des crimes que sur le mode opératoire ou le caractère prémédité. Tous les milieux sont concernés, tous les âges ; il n’y a pas de profil type de victime.
Le sujet étant particulièrement délicat, cette chronique ne tentera pas de faire la preuve d’une position dominante masculine. L’auteur n’a choisi qu’un seul récit de crime perpétré par une femme, celui de la boucherie d’Aberdeen, et un seul meurtre peut être qualifié de féminicide, celui de Caroline Crouch.
Si différents que paraissent tous les actes relatés dans ces récits, il existe néanmoins quelques ressemblances : tous sont commis de manière intentionnelle et ne posent pas la question de la légitime défense.
« Messieurs les jurés, j’ai la douleur de vous dire que mon fils est un monstre et qu’on ne saurait avoir pour lui aucune pitié ».
« Mais un pareil crime ne saurait rester impuni et jamais la justice ne pourra être assez sévère pour châtier un pareil forfait, quoique, hélas ! Le châtiment ne puisse jamais être proportionné à ce crime qui dépasse en horreur tout ce qu’on peut imaginer ».
Il n’y a pas de mode d’emploi pour écrire quelque chose de surprenant, de lugubre…. Il n’y a qu’une écriture prenante ; celle de McSkyz qui remporte déjà un franc succès sur Youtube. Et qui, avec ce recueil a réussi l’expérience de la plume.
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