Jacques Fusina a écouté l’album de Delfina, Ariavulà, disponible en libre écoute sur Deezer. Il nous livre dans cet article son avis sur le sujet. 

J’ai reçu récemment un CD de ce titre édité par les soins de l’association Cor di Rustinu et mis en musique par son animateur Richard Girolami dont on connaît déjà les précédentes productions notamment en langue corse. Certes l’édition de disques n’est pas une nouveauté quoique la vente de ce vecteur traditionnel soit nettement en baisse aujourd’hui au profit d’autres moyens informatisés d’écoute des chansons, mais il m’a semblé que celui-ci proposait une belle originalité qui méritait d’être soulignée au moment où des efforts sont consentis pour l’illustration de notre langue vernaculaire. En effet, l’interprétation est entièrement endossée par une voix de femme, Delfina, dont la pureté de prononciation et de diction, le naturel et la grâce dont elle habille ses phrases musicales forcent l’admiration.

On pourrait craindre l’uniformité à la première impression, puisque la musique est assurée entièrement par Richard Girolami, mais Patrice Bernardini et Jean Cuiconi ont apporté leur touche personnelle à  certains morceaux, les voix de chœur (C.Rini, G.Ferrari) viennent à l’appui de D. et R.Girolami, de même que les musiciens M.Dominici (batterie et percussions), J.Cuiconi (guitare et mandoline), GM.Gianelli (contrebasse, piano, harmonica), GB.Rongiconi (guitare), donnent à l’ensemble une unité sonore tout à fait perceptible également dans une orchestration soignée à laquelle ont prêté la main les musiciens  cités, alors que le studio l’Angelina de E Valle di Rustinu s’est chargé de l’enregistrement final.

La thématique des textes est résolument historique et poétique puisqu’elle inspire particulièrement deux textes Diunisia et Stellatu, la première désignant la mère de Paoli, Diunisia Valentini, originaire de Pastureccia di Rustinu, et le second racontant la véritable histoire du Fiumurbacciu Stellatu apprenant que son fils participait à la bataille de Borgu en 1768 dans les troupes françaises. Or, la maison de Pastureccia se trouve être celle des concepteurs  du disque ; si l’on ajoute que la fontaine du Delfinu, place fontaine neuve, est celle du quartier de naissance de Richard, que Delfina est aussi le nom de la chanteuse, jeune et talentueuse professeur des écoles en classe bilingue, fille de Richard, on comprendra quelle touche personnelle marque de son empreinte le présent opus. Et lui confère d’emblée une certaine sympathie qui entre d’ailleurs en harmonie avec le ton, un peu nostalgique, voire philosophique par moments, des autres chansons : Ariavulà (néologisme qui donne son titre au CD), Isulanave (notre île bateau, adaptée d’un texte français de J.Cuiconi), A giuventù et Malatia d’amore (bâties sur des musiques originales de P.Bernardini), A fola di a stella (adaptée d’un poème de G.Moret), Addisperu (évocation d’une installation villageoise réelle), ensuite  Di chè, Un Bellu ballu, U ventu hà suffiatu, Eu sò dumane complètent un ensemble qui est en somme une réflexion tranquille sans faux-semblant ni postures ostensibles, sur  la vie de chacun, inexorable et précieuse à la fois par les souvenirs émus et par l’expérience toujours riche des années qui passent. 


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