Dans « Betty », Tiffany McDaniel livre le portrait d’une jeune cherokee inspirée de sa mère. Au cœur de l’Ohio des années 1950, la jeune fille affronte la pauvreté, la violence et le racisme. Un quotidien qu’elle parvient à affronter grâce à l’écriture. Un roman lumineux sur les liens familiaux et le pouvoir de l’écriture.
Par : Marie-France Bereni Canazzi
On hésite à parler de livres qu’on a trop aimés car le sentiment d’avoir trouvé sa littérature est si personnel. On se laisse emporter, le livre peut décevoir ceux qui ne connaitront pas la même magie. Mon coup de cœur 2021 c’est pour l’instant Betty, traduit de l’américain par François Happe. Le prénom titre est celui d’une enfant, fille d’un père Cherokee et d’une mère blanche américaine. Ils aimaient Bette Davis.
Paru en 2020 aux éditions Gallmeister, le roman raconte la vie d’une famille en Ohio au vingtième siècle. Alka, la maman de la narratrice, Betty, a vaincu les préjugés pour se marier avec Landon Carpenter, 28 ans, indien qui vend sa force de travail selon les occasions. Quand ils se rencontrent, elle a 18 ans, mange une pomme dans un cimetière ; et cette fille unique d’une famille bien conventionnelle provoque un scandale en quittant le giron familial pour le fossoyeur à la peau foncée. Leur sixième enfant, la narratrice, se souvient de tout, analyse et écrit dès qu’elle le peut : toute son enfance est nourrie de la transmission des secrets de la nature et de la vie par son père comme de l’apprentissage de la cruauté des hommes.
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Ce roman d’initiation suit année par année l’évolution de la fratrie ; chaque enfant a un talent, un secret, un lien particulier à ses parents. L’étrange fêlure qui fait de leur mère un être incompréhensible, le permanent optimisme de leur père pour qui la terre et tous les éléments apportent toujours la bonne réponse.
La petite indienne sorcière
C’est Betty, enfant protégée et attentive, puis adolescente révoltée par ce qu’elle découvre, qui dira les moments de joie et les drames et qui au fil des pages deviendra la petite indienne sorcière qui refuse la fatalité ; faisant de ce qui est considéré comme un handicap une force. Sa peau sombre et sa ressemblance avec les Cherokee ; ainsi que sa connaissance des secrets de la nature acquise auprès de son père en feront une femme forte qui refuse l’injustice qui tend à être générale et s’applique à la différence dans cette Amérique rurale et pauvre. Et surtout l’injustice faite aux femmes, comme s’il y avait une fatalité de la prédation et de la soumission.
Lire ce roman c’est garder longtemps à l’esprit les rêves de Flossie. L’abnégation de Fraya. L’héritage de Leland et les portraits des deux « petits » si attachants. Avec les orages de Trustin et le bégaiement du dernier si attaché aux cailloux.
Plus de 700 pages, c’est un livre qu’on abandonne à regret et cela se fait rare. La traduction, fluide, aide particulièrement à apprécier ce texte.
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