Dans « On était des poissons », Nathalie Kuperman raconte l’été passé sur la côte d’Azur d’une petite fille de 11 ans avec une mère excentrique et au comportement changeant. Un récit ardent et cruel, qui explore des sentiments contradictoires.

Par : Marie-France Bereni Canazzi

Ce roman de Nathalie Kuperman est écrit à la première personne. Celle qui raconte, une pré-adolescente, n’est pas heureuse, ce qui apparait rapidement. Ses parents divorcés ne s’entendent plus et pendant que son père est en Amérique avec sa nouvelle famille, la petite est presque arrachée à l’école par sa mère, qui désire passer avec elle quelques jours à la mer, là où elle a grandi et où elle a été élevée par Augustine, sa grand-mère. Heureusement, on est en juin et Agathe ne manquera pas trop de jours ; elle aurait quand même aimé qu’on prenne le temps de prévenir ses enseignants, ses amis, son père…

Mais comment résister à celle qu’elle suivrait au bout du monde et qui l’appelle « ma salamandre » ou « mon macaroni ».

Agathe est sans cesse tiraillée entre amour fou pour sa mère et besoin de paix et de douceur.

Son petit paradis

Cette gamine de 11 ans aimerait rendre sa jolie maman fière d’elle, elle la voudrait heureuse et quand elle parvient à rester tranquillement avec elle un moment, elle a atteint son petit paradis.

C’est que sa mère est jolie, la plus belle, attachante, libre et intelligente ; pas une personne effacée, ou médiocre et sa fille se dit que jamais elle ne pourra l’égaler ou lui faire honneur.

Qu’elle rie ou pleure, parle fort, ou joue la bourgeoise qu’elle est, elle est toujours superbe ! Sa fille nous la présente en tigresse royale, donc fascinante et dangereuse. Elle séduit, on ne voit qu’elle, parfois trop, toujours dans la démesure et la provocation.

N’est-elle pas une créatrice, celle qui a su montrer à sa fille que rien n’est jamais déterminé, qu’on peut toujours tout recommencer ? Pas de déterminisme ni de fatalité. Sa mère répète et explique souvent qu’elle a su s’arracher à ses entraves. Sa fille, un peu trop molle, trop candide et aliénée à ceux qu’elle aime, sera-t-elle assez forte pour s’affirmer ? Comment l’endurcir ? N’est-elle pas trop sensible, trop grasse et geignarde ? Agathe se sent impuissante, pas belle, mal aimée, adorée et rejetée, toujours sur le fil, toujours dans le déséquilibre.

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Sa mère ne digère pas l’enfance et les plaies s’ouvrent souvent ; la liberté affichée déstabilise son entourage et l’enfant finit par ne plus y voir d’issue. C’est un roman tendre, drôle mais aussi un constat terriblement cruel. Il est des blessures dont on ne guérit pas bien.

Un amour inconditionnel

Elles sont à la plage, au bord de l’eau. Tout tourne autour de l’univers maritime, jusqu’au père dont Agathe rêverait mais qui n’est pas le sien, au beau père que sa mère a séduit, qui leur propose de les accueillir sur son bateau et qui correspond si mal à sa mère.

L’eau a le pouvoir d’apaiser, elle réunit, semble libérer ; mais même si on descend des poissons, on devrait s’en méfier.

Il faut tuer la mère pour être soi et Françoise Dolto qui a montré la dualité constitutive de l’amour filial aurait sans doute lu le livre de Nathalie Kuperman avec grand intérêt ! Agathe qui est encore un peu ronde, un peu bébé naïf mais lucide a besoin d’affection ; elle suit sa mère dans toutes ses extravagances et elles sont nombreuses, quêtant toujours un regard, un câlin ! Souvent elle se demande pour qui elle va prendre parti, si elle va défendre l’indéfendable et elle conclut vite qu’elle soutient sa mère. Son amour est inconditionnel.

Elle assiste aux nombreux conflits de sa mère, avec tellement de personnes, parfois si gentilles ou si discrètes, qu’Agathe en tremble et ne peut plus rester objective. Elle aimerait être sauvée de cette relation toxique et la fin du livre vient tout réajuster . Là on espère que les blessures ne sont pas trop profondes et qu’Agathe cessera de se faire entamer …


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