L’œuvre de Gilles Zerlini c’est d’abord, un mouvement, comme il en existe en musique.”
Gilles Zerlini dont le recueil Mauvaises nouvelles avait été plébiscité par les lecteurs, a obtenu un succès certain avec son dernier ouvrage, Chutes ; n‛hésitez pas à les découvrir, ce sont deux romans très différents et fort agréables à lire !
L’œuvre de Gilles Zerlini c’est d’abord, un mouvement, comme il en existe en musique, une nébuleuse autour de laquelle se déroulent les constellations qui forment une voie lactée dont les mots illustrent l’incandescence. Le monde est là dans son apparence la plus abrupte comme perdu dans un univers chargé d’infini. C’est de la société dont nous parle Gilles Zerlini, et plus particulièrement, de celle articulée autour du travail, ce monde ni beau, ni laid, simplement là et toujours en « branle », un monde où les hommes sacrifient jusqu’à leur propre « Je ».
L’humain est au centre de cette cosmogonie, malmené par le système mais étonnement résistant, l’homme moderne chez G. Zerlini est d’abord celui qui ploie. Il est indomptable et c’est de là que nait son identi té, même si la société participe de l’identi té des personnages et qu’elle les réduit au ferment qui les fait grandir jusqu’à leur dégénérescence.
C’est la lutte quoti dienne de l’homme qui cherche son bourreau, au milieu du vide généré par une société du spectacle aux repères de plus en plus fragiles. Et c’est de
cette fragilité, qui n’est jamais vécue comme une tare dans l’univers dont nous parle l’auteur, que jaillit la lumière, même salie, même encombrée des scories du temps qui passe.
Toujours sur la brèche, les personnages enfermés dans un jusqu’auboutisme à tout crin prennent une apparence presque baudelairienne. Car dès qu’ils apparaissent, dans la trame de l’espace fictionnel, on perçoit bien avant qu’il ne se déclare ouvertement la présence d’un décadentisme latent. Le vers de Baudelaire a sans cesse accompagné ma lecture de La chute ou les mésaventures de Monsieur Durand : « Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !». C’est ce que font les personnages du roman de Gilles Zerlini une fois atteint le seuil de leur désespérance.
Ne peut-on déceler en toile de fond dans ce roman une transposition consciente ou inconsciente de certains mythes fondateurs grecs ? L’homme qui s’isole dans son labyrinthe, l’homme monstrueux, minotaure prêt à tout dévorer et prisonnier ici d’un système aux exigences toujours plus meurtrières ? Cett e interprétati on mise à part, on notera qu’avec ce roman l’auteur atteint la quintessence de son art, car il nous livre en partage une vision à fleur de peau de la société dont les racines profondes sont à rechercher au cœur même de son intelligence sensible.
   Alain Franchi

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