Dans son dernier ouvrage, L’Église de Corse en révolutions, publié aux éditions Albiana, Ange Rovere s’intéresse à la façon dont les membres de l’Église sur l’île ont appliqué les prérogatives de leur hiérarchie. Se considérant comme un simple défricheur, l’historien spécialiste de la période révolutionnaire considère que le rôle joué sur l’île par l’Église constitue un vaste champ de recherche qu’il reste à explorer.

Par : Francis Beretti

Ange Rovere, agrégé d’histoire, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques a longtemps dirigé la revue Etudes corses. Son domaine de prédilection est l’étude de la période révolutionnaire, sur laquelle il a écrit de nombreux articles, notamment, en collaboration avec Antoine Casanova, Peuple corse révolutions et nation française, en 1979 (Editions sociales) et La Révolution française en Corse (Editions Privat, Toulouse 1989).

Une oeuvre inscrite dans le débat historique

Il vient de publier un ouvrage intitulé L’Eglise de Corse en Révolutions (XVIIe-XVIIIe siècles) aux éditions Albiana. Fondamentalement, le sujet est loin d’avoir été négligé par les historiens. Rappelons la monumentale Histoire de l’Eglise corse en 4 volumes, de l’abbé Sylvestre Bonaventure Casanova (Zicavo, 1929-1941), les divers articles de François J. Casta, notamment Christianisme et société en Corse. Etudes d’histoire et d’anthropologie religieuse (1969-1996), chez Albiana, 2013, Le baroque religieux corse. Un art vernaculaire italien ? de Nicolas Mattei (Albiana 2009). Ange Rovere cite aussi une thèse de doctorat dactylographiée, sans doute moins connue, de Marie-Ange Lanfranchi, Le contenu politique de la religion face à la société corse au 17e siècle soutenue à la Faculté des Lettres de  Nice Sophia Antipolis en 1996.

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Ange Rovere tire parti de ces travaux importants, parfois incontournables. Cependant, il les trouve soit trop datés, soit ne correspondant pas à la vision d’ensemble qu’il a l’ambition d’envisager. Il part d’un constat statistique qui explique l’intérêt, au moins d’ordre sociologique, que l’on doit porter à ce sujet. En 1780, en Corse, pour une population de 150 000 âmes, on compte un millier de moines, plus d’un millier de prêtres. « Un encadrement largement supérieur à celui qu’on trouve en France et même dans le Mezzogiorno italien ». Mais l’intérêt est aussi d’ordre politique, voire géopolitique. Dès le début des « troubles » vers 1730, l’église a été un enjeu.

La singularité du travail d’Ange Rovere

Le point de vue singulier de Rovere est, après « une immersion dans les sources », de mesurer l’écart entre l’Eglise en tant qu’institution et la façon dont les fidèles, sur le terrain à l’humble niveau de la paroisse ont observé les directives de la hiérarchie, l’écart entre les intentions des autorités supérieures et la mise en œuvre réelle. « La question centrale », selon Rovere, étant « une première véritable révolution : comment avait cheminé dans l’île la Réforme catholique au cours des deux siècles séparant le Concile de Trente de 1789 ».

C’est parce qu’il s’est trouvé confronté « à un quasi désert historiographique » qu’il a entrepris cette tâche. Il nous faudrait un plus grand espace pour rendre compte de la documentation et de l’analyse accumulées dans ces quelques trois cents pages. Nous avons remarqué que l’historien bat en brèche le préjugé souvent colporté par différents visiteurs de la Corse, sur la prétendue ignorance des prêtres, et qu’il marque la permanence de la tradition, puisque même une vingtaine d’années après la conquête, les jeunes gens vont se former à Pise, à Rome ; et à Milan comme le fit Francesco Ottaviano Renucci.

Malgré le gros travail qu’il a fourni, Ange Rovere reconnaît en toute honnêteté qu’il reste encore un immense chantier à explorer : le rôle des collèges jésuites dans l’enseignement, et celui des Franciscains. Sur cette voie, il proclame son humble intention de n’être qu’un  « simple défricheur ».

En savoir plus

Ange Rovere, L’Église de Corse en révolutions, Ajaccio, Albiana, coll. Bibliothèque d’histoire de la Corse, 2021.


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