Malusci, le grand-père tout puissant

L’enfant dans le taxi, l’histoire d’un homme, un inconnu, un étranger, qui fait irruption dans la vie du narrateur.

A l’occasion de l’enterrement de son grand-père, Malusci, la figure imposante de celui-ci est omniprésente. Malusci était un patriarche, on l’évoque dans tous les discours et par toutes les larmes. On parle de lui, à voix haute avec maints souvenirs et hommages, et à voix basse aussi. Près du narrateur, au repas, un oncle qui a peut-être un peu bu se laisse aller à la confidence. Malusci que nul n’osait contrarier, ce pilier de la famille, avait été dur. Et cet oncle, Franz, avait failli parler au moment où la terre allait ensevelir le corps.

Un jour, raconte l’oncle, un enfant est arrivé en taxi jusqu’à la maison des grands-parents ; le fait lointain si longtemps oublié est révélé. Le narrateur, Simon, qui vit une crise doublée d’une situation familiale complexe ,  est bouleversé : il a lui-même des enfants. Par ce souvenir de l’oncle il comprend qu’il y a là un secret de famille bien gardé qui va devenir capital pour lui. Pour tous probablement car il a fallu la mort de Malusci pour qu’on soulève un coin du voile.

Il ne pourra en faire l’impasse.

Qui était cet enfant ? Les premières pages du livre montrent habilement une jeune femme qui aime un Français dans la ferme de son père en temps de guerre. Nous assistons à une scène d’amour pendant la seconde guerre mondiale ; le lien charnel est fort entre l’ouvrier agricole forcé à l’exil  pour aider l’économie allemande et la fille de l’agriculteur, « l’allemande du lac de Constance, » comme Malusci la désignera avec Bahi, l’un de ses rares confidents. Deux jeunes gens qui s’aiment  passionnément, l’espace de quelques semaines, en se cachant, bien sûr.

Un petit garçon sans père

L’enfant dans le taxi conte l’histoire de l’enfant né de leur union, un petit garçon, qui est envoyé en taxi, quelques années plus tard, vers son père qui a fondé une famille en France  et n’a nulle envie de le recevoir ; savait-il, le grand-père, que la jeune femme aimée en Allemagne avait eu un  enfant de lui ? Pourquoi lui avait-t-elle envoyé l’enfant ? Malusci savait-il que ce jour arriverait où l’enfant serait à sa porte ?

Le narrateur n’a pas de réponse. L’idée d’un enfant seul dans une voiture, qui fait seul toute cette route pour retrouver son père et qui est renvoyé à l’expéditeur,  lui parait insupportable et c’est de toute sa famille qu’il est question pour lui à ce moment.

« Cette nuit-là il devait être deux heures du matin lorsqu’il était arrivé aux abords de la villa, avait raconté Louis, deux heures lorsque ses phares avaient balayé la haie d’ifs du portail, balayé la silhouette d’Imma qui presque aussitôt avait marché à sa rencontre pour l’accueillir, l’aider à se garer dans la cour près d’une autre voiture à laquelle Louis n’avait pas prêté attention d’abord, Imma soulagée comme si elle l’attendait depuis des siècles, le fameux garçon près d’elle, aidant lui aussi à ouvrir puis refermer le portail, comme si cela devait accroître ses maigres chances de prolonger là son séjour. Bonjour monsieur avait dit le gosse du meilleur accent qu’il avait pu et je n’avais pu m’empêcher de scruter son visage, avait raconté Louis, de scruter ses traits, d’y chercher frénétiquement ceux de Malusci, le front haut de Malusci, les yeux vifs de Malusci, la bouche fine délicate un rien pincée de Malusci. Je te présente M. avait dit Imma , revelant son prénom cette fois . » (P.134)

Le retrouver pour ne pas avoir honte

Le narrateur malgré les conseils et les obstacles veut retrouver cet oncle inconnu.

« Je me suis demandé ce qu’il savait de Malusci. Ce qu’il pensait de l’amour de sa mère et de ce soldat français reparti sans états d’âme au bout de quelques semaines, son père, qui les avait tranquillement laissés derrière lui, la mère et le fils, contraints de se débrouiller, d’affronter les messes basses, les regards obliques. Je me suis vu en train d’arriver le lendemain devant chez lui, de frapper à sa porte, de lui dire c’est moi, le petit-fils de Malusci, je suis seul aussi maintenant, il faut que j’apprenne, j’ai pensé que peut-être en la matière tu aurais des conseils à me donner.» (P.57)

Un très beau récit, une histoire terrible et passionnante

MF Bereni Canazzi


A voir aussi :

https://www.youtube.com/watch?v=DJUbIKED8iE&ab_channel=librairiemollat


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