Les choses humaines, Karine Tuil
Les choses humaines, Karine Tuil

Audrey Acquaviva présente ici le roman très actuel de Karine Tuil, Les choses humaines, publié aux éditions Gallimard.

Ce roman, Les Choses humaines de Karine Tuil, saisit l’air du temps en proposant un regard sans concession sur notre société.  Diverses injonctions y sont abordées : le contrôle de son image ; la formation de l’élite française, oscillant entre excellence et exigence (tout dérapage étant faillible) ; la réalisation de soi ; la pression sociétale dans tous les domaines ; la sujétion d’un individu quelle que soit sa forme. Ainsi chacun porte-t-il un masque : une femme parfaite et accomplie en apparence, un mari infidèle louant la pérennité de son mariage ou encore un fils prodige qui excelle dans l’art de la dissimulation quand il prépare ses entretiens d’embauche. De multiples effets du réel, ça et là, renforcent cette captation. Bien que les personnages évoluent dans un monde familier, à l’image de la tragédie grecque, leur milieu est ultra-favorisé : un appartement de deux cents mètres carré, non loin du Trocadéro, un journaliste vedette de la télévision, une essayiste, un brillant étudiant voué à la réussite. 

L’autrice réussit aussi à nous plonger au coeur de l’immuable âme humaine en nous permettant d’accéder à ce qui la traverse, la tourmente, la porte, l’oppresse, la libère à travers notamment la passion amoureuse tardive de Claire. Cette dernière ose enfin assumer son désir. Comme annoncé dans l’incipit, le sexe tient une place prépondérante. Et l’amour dans tout cela ? Et bien, il passe : “ On naissait, on mourait entre les deux, avec un peu de chance, on aimait, on était aimé, cela ne durait pas, tôt ou tard, on finissait par être remplacés. Il n’y avait pas à se révolter, c’était le cours invariable des choses humaines ”.

Dans le roman, l’air du temps, l’effet du réel et l’intrigue s’imbriquent harmonieusement. Ainsi Claire, féministe convaincue, est amenée à réfléchir  sur les événements de Cologne (au cours desquels des femmes ont été abusées). Elle s’interroge sur la place de la femme, à l’heure de la réorganisation sociétale orchestrée  par me too. Et lorsque son fils est condamné pour viol, elle découvre  :  “ la distorsion entre les discours engagés, humanistes et les réalités de l’existence, l’impossible application dans plus nobles idées quand les intérêts personnels mis au jeu annihilant toute clairvoyance et engagement, tout ce qui constituait notre vie. ”

Le roman est articulé en trois parties.

La première “Diffraction” présente  les Farel. Jean n’est pas que père et mari, il est essentiellement journaliste vedette qui veut préserver et son poste et sa part d’ombre . Claire n’est pas que mère et épouse, elle s’épanouit en tant que femme amoureuse et adultérine. Alexandre n’est pas seulement leur fils et un étudiant brillant, il est fragile et emporté. Le tour de force de ce roman est d’appréhender les personnages en interaction les uns  avec les autres mais aussi dans leur individualité pour proposer au lecteur une vision omnisciente. Leur univers bascule quand Claire prononce cette phrase : “ J’ai rencontré quelqu’un. ”

Dans la deuxième, La territoire de la violence une toile tragique et violente, passionnée et destructrice se tisse et pousse les personnages dans leurs retranchements jusqu’à aboutir au drame. 

Dans la troisième, Rapports humains en révèle les conséquences. Certains s’en sortent mieux que d’autres. Ainsi va la vie.

Audrey Acquaviva


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2 commentaires

  1. Les différentes facettes des personnages et « l’ambiance », suggérés dans cette présentation , donne vraiment envie de lire ce livre. Bravo, c’est réussi!

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