Jean-Pierre Castellani est professeur des universités, hispaniste,  membre de l’Association internationale des critiques littéraires et vice-président de la Société internationale d’Etudes Yourcenariennes. Il vient de publier aux Éditions Scudo une Lettre à Marguerite Yourcenar.

Par Francis Beretti

Peu de personnes seraient aussi qualifiées que lui pour présenter Marguerite Yourcenar. Castellani  a déjà publié sur ce sujet  Goodbye Rabelais ! Figures libres & Yourcenar, Almodòvar et Umbral,  Je, Marguerte Yourcenar,d’un Je à l’autre. Il a collaboré au Dictionnaire Marguerite Yourcenar. Il a fait des tournées de conférences en Espagne, en Italie, en Grande-Bretagne entre autres. En France, il a participé à trois colloques internationaux. Toutes ces activités, menées sur une période de quarante ans, ont contribué à faire entrer l’œuvre de  Yourcenar,  analysée avec d’autres universitaires, sous tous ses aspects, dans des programmes académiques. 

Rendre accessible Marguerite Yourcenar

 En avril 1972, Castellani propose un article à Combat. Philippe Tesson, le directeur, l’accepte. Il lui adresseune remarque dont il s’est longtemps souvenu. « Je vous félicite, car à vrai dire, je craignais tant que vous n’écriviez comme un universitaire ennuyeux ». C’est sans doute la raison pour laquelle Castellani, pour exprimer pour la nième fois l’admiration qu’il porte à son auteur de prédilection a choisi une voie originale. Il lui écrit une lettre.

Philippe Tesson, ancien rédacteur en chef de Combat ©Le Point

Cet artifice lui permet « de trouver un ton personnel, loin du discours académique alourdi par son enflure souvent prétentieuse et ses litanies de ibid. et de op.cit. »

Il nous livre quand même, en passant, une explication succincte du chef-d’œuvre Mémoires d’Hadrien.

« Une réflexion sur le pouvoir et les contraintes de l’exercice solitaire de ce pouvoir à travers les considérations désabusées du vieil empereur. C’est aussi une longe méditation sur la Paix et la Guerre par un jeune homme qui cherche désespérément la première et assume la seconde au nom du Devoir et du sens de l’Etat. La revendication principale qui court, tout au long du message de l’Empereur, est celle de la liberté dans tous les domaines : politique ,religieux et sexuel. C’est enfin une douloureuse interrogation sur la maladie et la Mort toute proche ». 

Un hommage de lecteur à Yourcenar

Par le procédé plus familier qu’il a adopté, Castellani est plus libre d’exprimer sa gratitude envers celle dont il a fait son amie, sa confidente Marguerite Yourcenar. En effet, elle lui a permis de voyager à travers le monde. Elle partage ainsi le sentiment de celle qui a écrit que le goût du voyage était « aussi violent que le désir charnel ». Elle lui a permis de rencontrer au cours de ses pérégrinations des personnes brillantes et attachantes de toutes nationalités, comme l’Italienne Claudia Erao. Il se plaît dans sa fiction à se livrer à des jeux de masques.

Le texte « brûle de passion » pour Marguerite. L’Argentin  Daniel Herendorf est « un personnage étrange, proustien, ambigu, original fantasque, à la fois écrivain philosophe et juriste. L’Italienne Elsa Genèse est sculptrice, « inspirée, habitée » par le personnage de Marguerite Yourcenar. Celle-ci est décrite comme « cette femme extraordinaire » au point de lui dédier une œuvre monumentale. Marguerite lui a permis d’éprouver l’immense satisfaction d’avoir réussi à monter un spectacle original qui au départ paraissait être un pari risqué. Il s’agit de réaliser une adaptation musicale et littéraire  d’Alexis ou le traité du vain combat. Un passage d’Alexis commence ainsi :

« Et ce fut à ce moment que mes mains m’apparurent. Mes mains reposaient sur les touches, deux mains nues, sans bague, sans anneau, – et c’était comme si j’avais sous les yeux mon âme deux fois vivante … »  a permis la fusion magique  du texte avec un nocturne de Chopin.

Les engagements de Yourcenar

En quelques mots, Castellani souligne l’engagement de Marguerite Yourcenar pour la défense de la nature et des animaux, qui a fait d’elle une écologiste avant l’heure.

Par ailleurs, il présente une avocate du droit des femmes. Elle exprime sa défense avec finesse  dans son brillant discours de réception à l’Académie française. Castellani nous en donne un extrait. Yourcenar au cours de cette cérémonie se sent accompagnée « d’une troupe invisible de femmes qui auraient dû, peut-être, recevoir cet honneur, au point que je suis tentée de m’effacer pour laisser passer leurs ombres ».

Elle songe à Madame de Staël, à George Sand, à Colette. A ses yeux, l’Académie « s’est simplement conformée aux usages qui volontiers plaçaient la femme sur un piédestal, mais ne permettaient pas encore de lui avancer officiellement un fauteuil ».

Castellani conclue sa lettre par une formule de politesse. « Bien fidèlement à vous », mais il aurait tout aussi bien pu terminer, à juste titre, « votre serviteur ».

En savoir plus

Jean-Pierre Castellani, Lettre à Marguerite Yourcenar, Alata, Scudo, 2023


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