Dans Picasso contre Cocteau, publié aux éditions Grasset, l’écrivain Claude Arnaud revient sur l’amitié qui a réuni deux des plus grands créateurs du XXe siècle. Une amitié marquée par la tendresse et la cruauté.
Par Caroline Vialle
Dès les premières pages, le rythme est enlevé et l’analyse fine. Claude Arnaud découpe au scalpel les personnalités de ces deux artistes hors du commun du début de XXème siècle. Ils marqueront chacun à leur manière et de façon définitive une révolution picturale qui laisse loin derrière elle l’impressionnisme. En osant tout, et plus encore, puisque cela s’étend à la sculpture, collages, poteries, émaux, littérature, domaines de prédilection de ces touche-à-tout que sont Pablo Picasso et Jean Coteau.
À l’origine, l’enfance
Le point de départ est l’enfance. Chacun restera marqué par un environnement déjà artistique et encouragés par leurs parents. Au contraire de beaucoup d’autres, comme Cézanne, Manet, Baudelaire, pour ne citer qu’eux, qui auront du se battre pour accéder à leur art, issus de milieux souvent bourgeois dans lesquels les professions artistiques n avaient pas bonne presse.
Une première rencontre à la demande de Cocteau
C’est à la demande insistante de Cocteau que la première rencontre a lieu dès 1915, formant un fil entre les deux acteurs qui ne se dénouera plus, ainsi de leur tableaux graphiques, ceux-là même qui sont sur la couverture des « enfants terribles » pour l’un, ou qui feront la colombe de la paix pour l’autre.
L’auteur trouve à chacun un prolongement qu’il veut animal, voire bestial, tant dans l’apparence physique que dans le tempérament.
Initié dès l’âge de 14 ans au bordel par son ami Palares, il associe d’instinct virilité et créativité, peint et sculpte en prédateur, l’œil noir et railleur, le corps trapu et tassé [….] l’espagnol fixe son cadet – il a 36 ans l’écrivain 24. Maîtrisant mal le français après 15 ans passés à Paris, il se tient coi sur ses jambes, bras croisés, et laisse la phalène Cocteau s’agiter […] Picasso est un autre caméléon, mais il a la mâchoire d un crocodile.
Une relation déséquilibrée
Pendant plus d’un demi-siècle, ce sera entre eux un « je t’aime, moi non plus », dans lequel Cocteau y laissera plus de plumes que le peintre qu’il n a cessé d’admirer depuis toujours. Et qui est incapable de donner alors qu’il reçoit tant, et même prend sans attendre de recevoir. Pablo Picasso détruira ainsi tout ce qu’il construit, en amour comme en amitié, pour lui, seul l’art compte. Ce n’est pas le cas de Jean Cocteau qui, lui, donne sans attendre un retour, et pour qui la relation à l’autre compte au moins tout autant que son œuvre. En 1955, c’est la consécration totale avec son élection à l’Académie française.
« Je ne saurais vivre sans échange – mais je ne réclame pas qu’on me donne grand-chose, le principal est que je donne tout et qu’on me tende la perche ».
Pablo Picasso est mondialement connu depuis déjà plusieurs décennies et la côte de ses tableaux ne cesse de croître en même temps que son œuvre. Cocteau, de 8 ans son cadet, mourra 10 ans avant Picasso, laissant un vide que le « Malaguene » n’avait pas anticipé.
Un ouvrage présenté lors de nos Statinate
Ce fut une grande chance et un enrichissement pour le public du festival Statinate Lumio 2023 de pouvoir écouter Claude Arnaud nous parler de son livre (éditions Grasset), et pénétrer dans cette double biographie par le regard de cet écrivain passionné d’art et plus encore par la création artistique. C’est sa sensibilité qui nous permet aujourd’hui d’avoir accès à ce qui s’est noué entre ces deux personnalités, bien au-delà de leur (très) riche et nombreuse production artistique.
En savoir plus
Claude Arnaud, Picasso tout contre Cocteau, Paris, Grasset, 2023.
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