Le 25 novembre à 14h30, le Musée de la Corse et Musanostra nous avons reçu Sylvain Gregori dans le cadre des Rencontres littéraires “1943-2023, résistance et libération de la Corse”. C’est l’occasion de revenir sur la parution aux éditions Alain Piazzola des deux tomes de sa Nouvelle Histoire de la résistance en Corse.
Par Francis Beretti
L’auteur, Sylvain Gregori, est conservateur du musée de Bastia, et docteur en histoire. Il est chercheur associé au Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine.
Une nouvelle histoire de la Résistance
Il est très difficile de rendre compte avec justesse de son ouvrage en peu de paragraphes. Quelques statistiques, d’abord, nous en donneront une idée objective : deux volumes, avec plus de mille pages en tout. Vingt-et-une pages de sources, dix-sept pages de bibliographie, onze pages d’index des patronymeset sept pages d’index géographique (sur trois colonnes). Onze pages de tables des matières.
L’adjectif « nouvelle » du titre n’est pas usurpé. En effet, l’histoire de la Résistance insulaire existe depuis les années 1950, mais elle n’avait pas évolué, jusqu’ici. L’un des ouvrages les plus connus de cette première génération d’historiens est celui de Maurice Choury, ancien responsable clandestin du comité d’arrondissement du Front National d’Ajaccio et de Sartène, journaliste et propagandiste. Il avait réuni un fonds documentaire important. Son Tous Bandits d’honneur ! Résistance et Libération de la Corse , juin 1940- octobre 1943 a connu trois éditions, signe de sa popularité : en 1956, en 1958, et en 1988. Le titre même trahit le parti-pris romanesque de l’auteur. Il utilise l’un des clichés les plus éculés de la représentation de la Corse.
Gregori démontre aussi méthodiquement la partialité politique de Choury, et ses lacunes. C’est que depuis les années 1990 « la prise en compte de la dimension sociale dans la tentative d’interprétation de la Résistance a donné lieu à différentes définitions de ce phénomène, renouvelant par là même, de façon révolutionnaire, toute son historiographie » (p.17).
Rôle du Parti communiste dans La Libération
Le domaine politique et le domaine militaire ont déjà été traité en grande partie par les historiens traditionnels. Gregori a choisi d’analyser la notion de résistance en examinant ses liens avec la société insulaire. Il s’attache particulièrement « à la diversité d’expression du concept même de « Résistance ». Ce dernier s’analyse dans ses dimensions sociales, sociologique , culturelle, voire ethno-anthropologique ».
Entre autres éclairages nouveaux que nous apporte Gregori, il nous donne à comprendre comment le parti communiste pratiquement inexistant vers 1938, parvient à devenir hégémonique au lendemain de la guerre. L’un des exemples significatifs des luttes intestines pour le pouvoir, jusqu’ici peu étudiées, est celui qui concerne La Légion corse, le seul maquis militaire implanté dans l’île. Le fondateur et animateur de cette Légion était le commandant François-Marie Pietri, originaire de San Gavino di Carbini.
En théorie, la Légion corse et le parti communiste, partagent le même sentiment. Un double patriotisme (corse et français) et leur italophobie auraient dû les unir dans la lutte. Or, en fait, c’est ce que nous apprend Gregori (p. 365), la Légion corse a été délibérément marginalisée par les communistes. Ils récupéraient à leur profit tous les envois faits en Corse par sous-marins et par parachutages. C’est-à-dire de l’argent, des armes, des munitions, des denrées alimentaires, des effets. Cette stratégie a permis au Front national de grossir ses rangs en attirant des patriotes désireux d’entrer en action, et de se présenter aux missions d’Alger comme le seul interlocuteur valable de la résistance en Corse.
Le Musée de la Corse et Musanostra recevront Sylvain Gregori pour commémorer les 80 ans de la Libération
Comme l’écrit Jean-Paul Pellegrinetti, Directeur du Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine, cette thèse de Sylvain Gregori « constitue une somme majeure pour la compréhension de l’histoire de l’île dont il renouvelle totalement la perception ».
Elle est particulièrement bienvenue en cette année où l’on célèbre le 80e anniversaire de la Libération de la Corse.
En savoir plus
Sylvain Gregori, Nouvelle histoire de la résistance en Corse. Juillet 1940-Septembre 1943, Ajaccio, Alain Piazzola, 2023.
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