Dans Terrasses, Laurent Gaudé revient sur les attentats du 13 novembre 2015 qui ont endeuillé la France. À travers ce récit puissant, il s’agit de témoigner pour les victimes.

Dépasser le traumatisme

Le choc a été si grand qu’il a fallu des années pour pouvoir en parler !

Laurent Gaudé avait apporté son témoignage, toujours sous l’émotion,  lors d’une rencontre à Bonifacio en octobre 2016, un an après la tuerie de Paris.

La monstruosité du réel, l’ impact des images sur internet, le bruit, les cris, le bruit des armes dans la capitale, la panique , la désolation, la peur ! Comment en rendre compte ? !

Couverture du livre « Terrasses » de Laurent Gaudé publié en Avril 2024 Actes Sud

En terrasse pour se retrouver

Avec Terrasses, l’auteur a choisi de montrer combien chaque vie, précieuse,  avait ses intérêts et ses passions. Il souligne comme on a, par le crime, sacrifié des êtres qui avaient tout à vivre ce 13 novembre 2015.

Les Terrasses, ce sont celles des bars, où on s’installe pour 5 minutes ou des heures. Seul (e) ou avec des gens qu’on apprécie. Après le travail ou parce qu’on y a un rendez-vous spécial ou quelque chose à fêter.  C’est aussi  dans les salles de spectacle, en tous les cas, c’est l’évocation de la détente, de la flânerie, de la pause.

Mais Terrasses, c’est aussi être terrassé, vaincu, mis à terre, être anéanti.

Chronique d’un drame 

Laurent Gaudé propose un texte polyphonique, comme souvent dans son oeuvre, et plus généralement quand il y a annonce de la genèse, du déroulement et mise en oeuvre de drames passés, en littérature ou au cinéma, comme dans bon nombre de romans, et dans tant d’autres œuvres dont on connait l’issue malheureuse. Dans cette écriture du « connu »,  on revisite l’avant, le pendant , l’après ; ici on se prépare au moment de l’attentat, on le voit arriver sans pouvoir rien changer. La tragédie est enclenchée. On est impuissant.

Dans la peau des victimes 

Les personnes et leur histoire, leurs désirs, les espoirs qui les portent, leurs attentes ce jour-là, on les partage, puisque l’auteur fait penser et parler, intimement, les uns et les autres ; leur surprise, sur cette terrasse comme au Bataclan, quand les types ont débarqué, les inquiétudes de leurs proches, la douleur… On est avec eux en terrasse et on goûte la musique au Bataclan. Tout comme on sera les membres du commando GIGN quand on entrera dans la salle de spectacle où les corps sont criblés de balles. Ou encore ceux qui tentent de sauver et qui font de leur mieux pour soulager et soigner. Des salauds ont tiré dans la masse, gratuitement ; à la terrasse d’un café ça a été « à la tête du client », arbitraire et terrible.

Donner la parole 

L’auteur parle au nom des meurtris, des partis, de ceux qui ont vu l’horreur, sont morts, ont hurlé, ont survécu, mutilés… on a l’impression d’être eux ! Des jeunes, des vieux, des amoureux, ceux qui se retrouvaient, des sœurs, des couples, d’autres qui devaient se quitter… Et leurs proches ensuite suspendus au téléphone qui désespèrent en entendant le répondeur, encore et toujours. Je comprends que certains aient eu du mal à lire d’un trait ce roman car il sonne juste. On est au cœur du drame, on ressent les sentiments qui ont animé victimes et survivants. Ils n’oublieront jamais .

Pour moi c’est là un très bon livre, nécessaire, qui donne la parole à ceux qui ne l’ont plus et qui peut permettre aux autres de pouvoir enfin dire l’indicible.

Ce court roman, le treizième de Laurent Gaudé est aussi joué au théâtre à partir de juin 2024

Michel Giuntini


A voir aussi

https://fr.wikipedia.org/wiki/Attentats_du_13_novembre_2015_en_France

https://www.musanostra.com/les-mille-vies-de-paris-selon-laurent-gaude/

https://www.musanostra.com/rencontre-laurent-gaude-jerome-ferrari/


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