Compte rendu Jérôme Ferrari
Jérôme Ferrari, dernier invité le 14 novembre du cycle de conférences littéraires « Voyages, exils et identités » organisé au Musée de la Corse par la médiation culturelle, en partenariat avec notre association, MusaNostra, a abordé le thème frontalement : il a tout simplement raconté sa vie. Une vie d’exil, de voyages et de recherches autour de l’identité corse. Un sujet donc fait pour lui et un joli moyen pour nous de revisiter ses personnages et ses intrigues romanesques, assis, groupés dans la salle confortable du Musée, progressivement assombrie par la nuit. Et comme, le 14 novembre, il y a longtemps que les touristes sont partis, on a eu l’impression de recevoir ses confidences.
Né et « élevé » à Vitry-sur-Seine, une banlieue de l’est parisien, la Corse a longtemps été le lieu de toutes ses vacances, comme il nous le précise pour expliquer qu’il n’avait qu’une envie : y vivre. Ce qu’il fait une fois ses études terminées.
Cet exil imaginaire, en rien comparable au drame des émigrés, forge un sentiment identitaire qu’il explore dès son arrivée à Porto-Vecchio. Jeune professeur de philosophie, il s’engage dans les mouvements nationalistes au milieu des années 80, au moment où le rêve se fissure de toutes parts. Les bandits d’honneur et les vierges effarouchées n’existent que dans les livres et les hivers à Porto-Vecchio sont longs. La Corse fantasmée a du plomb dans l’aile. Le voilà donc qui saute sur la première occasion pour aller enseigner ailleurs. Ce sera l’Algérie, un pays dont il n’attend rien et qui du coup lui donne tout. L’Algérie lui ouvre les yeux sur la réalité post-coloniale et vues de l’autre côté de la Méditerranée, les revendications identitaires insulaires lui paraissent bien nombrilistes.
Pourtant, Jérôme se sent corse. Il aime la langue qu’il a apprise en écoutant les chansons des Muvrini dans sa chambre d’ado. Traducteur en français des livres de son compagnon des premières années à Porto Vecchio, Marc Biancarelli , il ne dessine pas d’avenir radieux pour notre île, souhaiterait plus de choses concrètes et moins de symbolique, car l’apparition du symbole signe la mort de la tradition vécue dans le présent.
Quand quelqu’un dans le public lui dit qu’il pourrait être le Houellebecq corse, la comparaison l’amuse. Ferrari, le désenchanté ? Oui, son œuvre l’atteste…
S. Cagninacci
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