Dans son court roman, Colombe Schneck raconte l’attachement noué au fil des années entre deux jeunes femmes issues de la haute bourgeoisie et sa mise à l’épreuve dans la maladie. Une véritable ode à l’amitié.

Par : Audrey Acquaviva

Le roman Deux petites bourgeoises de Colombe Schneck, paru aux éditions Stock, évoque une amitié qui traverse deux vies et une incursion dans le milieu bourgeois. L’autrice capte l’air du temps et l’intemporel. Comme le titre l’indique, il y a deux personnages : Esther et Héloise se rencontrent à l’orée de l’adolescence. Au fil des ans, elles sont soit très proches, soit beaucoup moins. Et c’est la mort de l’une d’elles qui parvient finalement à les séparer.

L’autrice prend garde de ne pas appréhender les deux amies comme deux facettes d’une même pièce. Même si, parfois, les expériences de l’une se reflètent dans celles de l’autre. Avec pour fil conducteur l’amitié, Colombe Schneck en explore les multiples aspects, leurs similitudes, leurs centres d’intérêt communs ou divergents. La rivalité parfois, le soutien et l’entraide, les points de discorde, les éloignements et les retrouvailles. Ce large panel est permis grâce à la durée de l’histoire qui court sur plusieurs décennies. Une vie. Presque deux. De plus, l’univers dans lequel évolue les personnages est toujours abordé à partir de leurs regards ; ce qui rend le champ restreint, bien que dédoublé.

En fait, à travers ces deux destins ; Colombe Schneck retrace les étapes de la vie de personnages de notre époque et de notre société. Les discussions entre deux pré-adolescentes autour des garçons, les études, les amours, le premier emploi, le second et les autres. Puis, le mariage, la maternité, le divorce, d’autres amours avec cette volonté de séduire de nouveau. De pouvoir encore le faire. Au niveau du récit, s’entremêlent des chapitres, où les deux amies évoluent ensemble, et ceux où elles le font en solo. Toujours par de petites incursions.

Saisissant l’air du temps

L’ensemble est structuré par le découpages en années. Ce qui permet d’accélérer ou de ralentir la vitesse de narration ; alternant les moments forts de ceux qui le sont moins. En saisissant l’air du temps, l’autrice parle aussi de la femme d’aujourd’hui en France, et plus largement dans la société occidentale. Héloïse et Esther ne sont pas des héroïnes aux destins flamboyants. On les suit dans leurs quotidiens plus ou moins agréables.

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Au fil des pages se brossent deux portraits de femme avec leurs contradictions, leur lumière et leur part d’ombre. Avec des changements de trajectoire en raison d’un divorce ou d’un licenciement. L’emploi du présent de narration permet au lecteur d’être au plus près d’elles. Cependant l’intemporel parvient à surgir et à interroger le lecteur. On le perçoit avec le thème du temps qui passe ; plus précisément à travers le corps qui change et qu’il faut assumer.

À travers la maladie qui frappe. Alors le ton devient plus grave, tragique même, jamais pathétique. Il est question de la dureté du combat, de la fatigue, de l’abandon de certains, de la lâcheté d’autres. De l’envie illusoire de maîtrise, de savoir, d’expertise de la malade et de ses proches ; ici son amie de toujours. Mais la maladie qui ronge le corps gagne du terrain. Elle prend cette vie à qui au départ tout souriait. L’amie qui reste s’interroge sur la mort qui fauche des personnes encore jeunes. Et au-delà, l’autrice réfléchit sur le lien qu’entretiennent les vivants avec les morts. Esther et Héloïse permettent aussi de mettre en lumière un autre axe du roman : une plongée dans la bourgeoisie et ses nombreux codes et passages obligés.

Entre éclats et fêlures

Le récit se dirige vers une enquête sociologique. À cette occasion, est créé un troisième personnage aussi réaliste qu’improbable, presque une fantaisie. Personnage qui apparaît ponctuellement et qui permet de faire le lien entre ces deux destins et la société : l’enquêtrice sociologue qui fait une étude comparée de deux familles des deux personnages et qui les suit aussi à l’âge adulte.

Le matériel n’étant pas un souci, l’appartenance, l’éducation et l’excellence sont mis en avant durant la première partie du roman. L’une appartient à une lignée, l’autre en fait partie depuis peu. Plus tard, l’autrice, loin des clichés de la femme coincée dans un mariage qui s’essouffle, une maternité qui accapare, accentue sa liberté ; tant du point de vue matériel que de celui des amours. Sans extravagance. Dans ce court roman, Colombe Schneck brosse à la fois de très beaux portraits de femmes, entre éclats et fêlures, bien ancrées dans leur milieu et leur époque.


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