Janine Vittori nous fait découvrir les œuvres de Béatrice Bonhomme, artiste installée à San Giulianu. Les Tentes nous invitent à pénétrer dans un univers marqué par la nostalgie.

Ce n’est pas un temps à faire du camping. La belle saison est passée.Les arbres se tordent sous le vent. Quelques fruits s’accrochent encore aux branches mais les feuilles, tombées au sol, brunissent déjà. L’air s’est chargé de gris. Au pied des collines qui étirent leur masse sombre des tentes ont été dressées. Mais la couleur pimpante de leur toile canadienne n’élève qu’un rempart dérisoire contre la menace du temps.

On sait que quelque chose a changé. L’atmosphère des dernières productions de  l’artiste devient mélancolique. Ses oiseaux migrateurs sont devenus migrants.

Une étrange colonie d’oiseaux campe devant l’abside légère des abris. Une famille d’oiseaux. Des adultes et des jeunes sur leurs longues pattes grêles. Ils sont là sur le sol, les ailes repliées. Ils pourraient voler. Mais ils ne bougent pas. Ils laissent le vent ébouriffer leurs plumes.Tournés vers la gauche ils voient venir quelque chose qui échappe à notre regard. Et c’est cela qui les inquiète, qui leur fait l’oeil rond et fixe.

Avec la série des Tentes Béatrice Bonhomme surprend son public. L’encre noire a remplacé les teintes joyeuses de ses oeuvres plus anciennes. Pourtant les oiseaux ont toujours été présents dans son travail. Mais ils étaient rieurs et, s’ils ne volaient pas, étaient libres de se poser un instant sur le vert d’une prairie, sur l’arrosoir ou même sur le bord d’une tasse. Quelques fois ils venaient, sans crainte, sur les pots de fleurs du jardin, sentir le parfum des fleurs.

On sait que quelque chose a changé. L’atmosphère des dernières productions de  l’artiste devient mélancolique. Ses oiseaux migrateurs sont devenus migrants. Des groupes, familles entières, marchent dans un espace hostile et glacé. Ils cherchent le secours d’un tissu tendu. Mais rien n’est de taille à les protéger du froid et de la faim.

Sous la feuille de papier une étoffe surannée vient rappeler le bonheur d’une vie passée. Les fils de coton tissent l’armure de toile de la cretonne à ramages. Les trames des souvenirs s’emmêlent. L’artiste se souvient du plein-air de l’enfance; l’oiseau croit qu’il a eu un nid.

Les oeuvres récentes de Béatrice Bonhomme peuvent paraître déroutantes. Elle a transformé les scènes et les paysages de son univers familier. L’imaginaire se mêle toujours au réel mais ses oeuvres adoptent un dépouillement plus dramatique. Les mots qui ponctuaient ses tableaux de notes légères et poétiques ont disparu. La série des Tentes de 2019 prend un caractère troublant de prémonition. Le monde se confine. Et aux confins des villes les tentes couvrent la détresse sans donner l’asile.


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