par A-X. Albertini

Quelques mots sur Nimu, de Jean-Pierre Santini – Après un cataclysme toutes les communications sont interrompues «  Il n’y avait plus aucune nouvelle du monde » La lumière du jour a disparu. Quelques clartés giclent ça et là comme des soleils. Ambiance de fin du monde assez angoissante. On entre dans le livre avec précaution,  sur la pointe des phrases. On fait la
connaissance de trois personnages importants : Paolo, Alice et le commissaire Caramusa dont la maison tient encore debout parmi les
ruines. L’auteur nous parle de la scène du crime, en effet il y aura plusieurs crimes, mais le plus grand crime est celui exercé sur cette terre qui meurt et qui montre du doigt la résignation. La résignation conduit à renoncer progressivement à ses vrais besoins, à son authenticité, à taire sa révolte et à accepter l’inacceptable.

L’histoire se passe dans le Cap Corse et particulièrement sur la côte ouest. Les adultes sont partis, il n’y a plus d’enfants et les rares vivants oublient de vivre. Ils s’évitent, ne se parlent plus. Ils se sont rangés prudemment dans le circuit du manège social, castrés par le capitalisme triomphant. Dans ce livre étrange où le lecteur patauge dans la mort et le désastre, l’écriture est envoûtante et le mot juste. Mais on cherche l’ouverture vers la vie pour respirer une coulée d’air. On y rencontre également une certaine organisation, le FASCI, dont les pratiques pour se débarrasser des dissidents relèvent de l’horreur. L’un d’eux, Petru Santu Casta s’étonne. Il a remarqué
que les couleurs de l’Organisation correspondent avec les couleurs des
rites religieux : le rouge, le blanc, le noir ( page 358 ) – Dans cette Organisation, on « travaille » par équipe. Chaque équipe désignée exécute ceux qui dénoncent, crient la vérité, et remet ensuite un rapport à l’Assemblée des Témoins.


Imagination ? Scènes surréalistes ? Pas tant que ça, car elles nous
ramènent à de funestes réalités dont nous avons le souvenir . Parfois,
on est en plein polar, mais le lecteur est vite ramené à une profonde
interrogation sur le devenir de la Corse. Quant au passé, à toute la
pourriture qui s’en dégage, à tous les mensonges gobés, le crime est
justement de n’avoir pas eu le courage de faire aboutir une situation honnête, juste et cohérente. De tous temps la vérité a avancé masquée,
cagoulée, nourrie de profits dérisoires et humiliants, jusqu’à en
perdre sa langue et son âme.


Le livre refermé, les images restent imprimées devant nos yeux tellement l’écriture est visuelle. Ce livre pèse lourd. Ce que j’ai lu me colle à la tête. Un renouveau est-il possible ?


Jean-Claude Loueilh, philosophe, a résumé sûrement mieux que moi, ce
récit : « et tout le roman est transi de ces faux-semblants et de ces
évitements qui désolent le village et le vident de sa tessiture humaine
 » Pourtant, pense –t-il, toute désolation peut aussi façonner un sol et un volcan nouveaux.   Espérons.

Article réédité , première publication 2011

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