Loin de constituer un événement anodin, les 23e rencontres internationales de théâtre en Corse représentaient des retrouvailles inespérées avec la culture et le patrimoine, mais aussi une occasion attendue d’annoncer une belle réussite pour l’ARIA.
Par : Sophie Demichel-Borghetti
On sait quelques moments rares, exceptionnels. Peu. Très peu. Si ce 7 août 2021 fut de ceux-là, c’est qu’au-delà de retrouvailles, il y eut renaissance, apprivoisement à nouveau, promesses d’un avenir à construire plus beau.
Les mots de Robin Renucci furent beaux et forts, heureux de porter ce retour, d’affirmer aussi que ce lieu, qu’il sait habiter en poète, n‘est, ne fut jamais vraiment en jachère, que l’activité créatrice y est, y fut vivante toute l’année.
Il y a des bonheurs du jour. L’un des bonheurs de ce jour-là fut pour Robin Renucci d’annoncer que l’ARIA venait d’obtenir le label Centre Culturel de Rencontres « Théâtre et Nature », qui ancre cet espace dans une pérennisation du patrimoine, de la transmission d’une création toujours nouvelle, ouverte, hors les murs.
Ces murs qui pourtant se bâtiront et s’étendront encore. Mais c’est toute cette montagne qu’habite l’invention créatrice.
Poésie en œuvre
Les mots de Serge Nicolaï furent joyeux, accueillants en présentant toutes celles et tous ceux-là, qui, tout ce mois, ont donné de leur temps, de leur passion pour faire entendre et faire dire ces mots si importants : ceux de la poésie en œuvre, d’où qu’elle vienne, celle qu’il porte et aime jusqu’au bout des yeux. Il nous a emportés dans son amour si grand pour ces artistes, dans la fierté du parrainage précieux que l’ARIA connaît cette année en la personne de Philippe Caubère, dont l’acteur qu’il est transpire l’amour des mots.
Alors nous les suivrons, nous les suivons déjà.
Oui, ce fut une rencontre. Au-delà des présentations, des remerciements et saluts à tous les partenaires institutionnels, il y eut cette rencontre. Cette année, sous ces paroles, le bonheur cédait à la satisfaction, la fierté était joyeuse, légère, séraphique.
Et parce que ces mots donnés furent ceux d’une reconnaissance ; furent enfin appelées, nommées, remerciées, comme Mme la directrice Marie-Laure Poveda, celles sans lesquelles aucun projet même ne serait. À Marie-Laure, à Céline Garcia, à Leslie et aux autres, toutes les autres : les gardiennes, les courageuses, les patientes, les fidèles.
Malgré les fantômes pandémiques
Elles et ils y ont cru. L’acte militant, peut-être improbable, de Robin Renucci que fut en 1998 la création de l’ARIA ; en espérant investir des lieux à rebâtir, naître sur des ruines, cet acte est devenu événement perpétuel. Elles et ils ont prouvé que l’on crée malgré tout, que l’on n’invente jamais que depuis l’impossible.
Ils l’ont fait ! Malgré les inquiétudes, les fantômes pandémiques, ils l’ont fait ! Ils l’ont fait pour nous, nous qui étions là ce jour et serons là ces jours à venir. Ensemble. Ensemble, même un peu prudents, dispersés.
Ces nouveaux apprivoisements seront beaux. Comme s’apprivoisent les enfants, les petits princes, en sourires, en solidarités timides.
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Alors en ce jour d’accueil, les spectateurs de ces Rencontres ont plongé dans une Odyssée neuve, celle où les silences laissent entrer les mythes, et où faire scène est faire œuvre de soi.
Ce qui s’est entendu en ces mots venus de multiples voix, et qui aurait pu ne plus jamais se dire, c’est que ce lieu fragile, mais opiniâtre est bien plus qu’un site de formation : il est Forge de savoirs. Sciences et arts sont nés ensemble. Celles et ceux qui viennent ici risquer leur corps et leur cœur le savent.
Une invention scénique
Ils savent accélérer en funambules, parce que des bras amis seront toujours là. Ils savent qu’avec leurs maîtres – parce qu’il faut toujours des maîtres- ; ils savent qu’en rencontres et en amitiés, ils vont porter l’art du théâtre bien au-delà de ce qu’il paraît être. Ils vont, nous allons tous redécouvrir qu’il est invention scénique.
Ils ont conscience qu’ils se feront des scènes partout, n’importe où, là même où l’invention poétique impossible se fait événement fondateur.
L’ARIA est là pour faire s’élever tous les gamins du monde, ceux que nous sommes encore aussi, sans le savoir, l’oubliant si souvent. Mais en ces lieux où habite la mythologie de toute création, nous le respirerons toujours. Ici, dans ce Giussani, il arrive qu’advienne un éclairement du monde et qu’en naissent parfois des porteuses et des porteurs d’éclats.
Et cette lumière est là pour ne céder jamais.
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