Avec Never Mind, Gwenaële Robert nous fait revivre une période clef de l’Histoire de France, entre Révolution et Empire. Une œuvre captivante et empreinte d’ironie, qui s’inscrit dans la lignée de ses remarquables romans historiques.

Par : Francis Beretti

Parmi la longue liste des publications de la rentrée littéraire, retenons le roman de Gwenaële Robert intitulé Never Mind (Robert Laffont). Une expression anglaise, qui signifie « peu importe », « ça ne fait rien », comme sous-titre à un portrait de Bonaparte pourrait surprendre, mais l’explication nous en est donnée à la fin.

L’intrigue se déroule au moment où l’Histoire de la France va basculer. Une plongée dans le Paris qui a du mal à se remettre des sanglantes convulsions révolutionnaires. Une période de transition, d’incertitudes : le roi est mort. L’empire n’a pas encore pris forme, c’est le début d’un siècle nouveau, d’un nouveau régime.

Le point de départ de l’intrigue est un fait divers terrible et authentique. L’attentat de la rue Saint-Nicaise, ou « conspiration de la machine infernale », du 24 décembre 1800, au lourd bilan. 22 morts, 28 personnes grièvement blessées, 46 maisons détruites. L’attentat visait le Premier consul, qui en échappe, miraculeusement indemne. Les conspirateurs royalistes ont complètement manqué leur coup. Au lieu d’abattre « l’usurpateur », ils n’ont fait qu’exalter sa gloire, assoir son emprise sur le peuple et affermir sa marche vers l’empire.

Une ironie savoureuse

Gwenaële Robert a choisi comme héros un personnage romanesque. Le chevalier Joseph de Limoëlan, dont elle reconstruit le destin, tout en s’appuyant sur des faits réels. En passant, elle esquisse les amours impossibles d’une émigrée trop fleur bleue et d’un terroriste écrasé par sa faute. De même que la traque impitoyable des auteurs et des complices de l’attentat, menée par le sinistre ministre Fouché sur lequel la narratrice exerce son ironie. Ainsi, Madame Fouché regrette les belles années de son ménage. Lorsque son mari portait « le doux nom de mitrailleur de Lyon ». En père attentionné, Fouché console son fils, déçu de voir terminées trop tôt les exécutions : « Ne sois pas triste, mon Joseph.  Le sang coulera à nouveau place de Grève ».

La romancière a l’art de mettre en valeur avec pertinence des anecdotes significatives, comme quand elle décrit « le bal des victimes ». « Au bal des Victimes, on s’habille, on se coiffe comme pour une exécution. C’est-à-dire : la nuque dégagée, cheveux coupés à ras ou relevés au sommet du crâne par un peigne, le col ouvert, la chemise blanche, le brassard noir et, autour du cou, un ruban de soie rouge, mince comme le tranchant d’un rasoir entre les mastoïdes et la clavicule ». N’ont le droit de participer à ce bal que les royalistes dont les parents ont été guillotinés. C’est « la catharsis macabre des survivants ».

Rédemption

La romancière peuple Paris de personnages pris sur le vif. Tel Hyde de Neuville, l’irréductible chouan qui imprime clandestinement le testament de Louis XVI. Puis va inlassablement le placarder aux portes des églises, « comme une âme errante en quête de rédemption ». Gwenaële donne de la chair à tous ses personnages, même les plus humbles, sans les caricaturer, ce qui est un trait de son talent. Mais au bout du compte, « rédemption » est le mot-clé de cette histoire. Joseph de Limoëlan s’exile aux Amériques, sous le nom d’emprunt du « père Joseph de Clorivière » pour expier son crime : avoir confié à une petite innocente la garde d’une charrette bourrée de poudre explosive. Depuis, un cauchemar récurrent hante ses nuits : « le visage de l’enfant à la jument qui le fixe de ses yeux sombres ». Et le leitmotiv qu’il répète à qui veut l’entendre, « Never Mind » lui tient lieu de consolation.

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En somme, des chapitres courts, une narration nerveuse, un style clair et direct, une langue souple, fluide, et bien maîtrisée. Cet ensemble de qualités compose un roman captivant.


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