ARTICLE – Marie-France Bereni Canazzi présente le premier roman d’Anne Pauly, Avant que j’oublie, publié chez Verdier. Remarqué dès sa parution, il s’est vu décerner le Prix du Livre Inter 2020

Autobiographie
Dans ce roman la fiction interroge car tout au long de l’œuvre, l’auteur place des signes pour indiquer au lecteur que la dimension autobiographique est bien présente.
C’est le récit de la mort du père, assumée par Anne et son frère Jean-François. On est dans une chambre près du corps et il s’agit de gérer la situation.
On apprend que le père, Jean-Pierre Pauly, souffrait d’un cancer et que sa vie n’avait pas été facile ; ses enfants sont marqués par ses crises de violence , par son alcoolisme, par tous ses excès. Anne, la narratrice, voudrait s’entendre mieux avec son frère. Elle recense, à l’hôpital, puis dans la maison de famille où il vivait seul, les petites choses matérielles qui constituaient le quotidien de ce père si proche et si ingérable dont elle ne supporte pas l’absence définitive. En fait dès la première page, ces objets en disent long sur leur propriétaire, ses idéaux, ses occupations, ses relations aux autres.
La violence de l’amour
Plusieurs visages s’imposent , celui de la mère tout d’abord, présentée dans sa bonté, appréciée, prise en pitié sans doute car très malmenée par son époux ; elle apparait comme une victime expiatoire, celle dont soir après soir le père d’Anne embrasse la photo dans un cadre embué. Le curé, l’ami André, la femme désirée, Juliette, amour de jeunesse retrouvé par téléphone et tant d’autres. Mais Jean-Paul, le père, les éclipse tous par ses prouesses, son intempérance, son originalité.
Le pouvoir de la littérature
Anne aime les mots, elle aime les livres et aime son père qui bien qu’agaçant, maintient toujours pour elle, avec elle, une relation privilégiée. La mort de son géant, malade, qui portait une prothèse pour remplacer sa jambe coupée, la plonge dans ses souvenirs et sa solitude. Heureusement, ainsi va la vie, il y a sa compagne, son amoureuse qui va l’aider à passer cette épreuve. De nombreux passages évoquent les ivres du père, le rapport à la culture.
C’est un livre hommage à son père, un homme écorché vif, un révolté qui n’a pas su dépasser les traumatismes de l’enfance , un iconoclaste respectueux qui a laissé une image de lui morcelée et confondante.
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Anne Pauly, Avant que j’oublie, éditions Verdier.